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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 septembre [1837], mardi, 2 h. ¼ après midi.

Cher petit homme bien aimé, où voulez-vous que je mette tous les gribouillis que je vous écris deux fois par jour ? Ma boîte est aussi pleine que mon cœur. Je n’ai plus de place où rien fourrera et si vous ne venez pas à mon aide je serai forcée de jeter mes feuilles au vent. C’est bien absurde de vous aimer autant que cela, n’est-ce pas ? et vous vous en passeriez bien au moins de la moitié, n’est-ce pas mon gros Toto ? Je suis très geaie de savoir que vous allez revenir tout à l’heure et je le serai encore bien plus si vous parvenez à me faire croire que vous viendrez ce soir. Pauvre Victor adoré, c’est bien vrai que tu es l’homme le plus courageux et le plus loyal de toute la terre. Aussi ce n’est pas de toi dont [1] je doute mais bien de la Providence qui jusqu’à présent ne m’a pas été très favorable. Cependant je suis plus confiante en l’avenir et plus tranquille quand tu m’as parlé. Tes paroles sont si franches, si honnêtes et si généreuses qu’elles portent la conviction dans l’âme et il semble impossible que la Providence ose désavouer ta noble conduite. Aussi je me confie à toi et d’ailleurs l’hôpital et ton amour vaut mieux que le lit doré et la honte. Aussi je suis à toi à toujours et je t’adore de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 209-210
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « fourré ». 


26 septembre [1837], mardi soir, 6 h.

Je ne suis pas votre dupe mon cher petit homme, je sais très bien que vous allez à Auteuil [2] et que ce sera un miracle si je vous revois avant demain. Je sais tout cela et je ne vous en aime pas moins. Mon cher bijou, pensez à moi un petit peu pour que je sois moins triste de votre absence. De mon côté je ne serai pas en reste avec vous car je ne détournerai pas ma pensée de vous une seule minute. Et mon canif ? Et les livres de Mme Krafft ? Je suis désolée de vous tourmenter à ce point mon chéri, mais vraiment il faut en finir avec elle, nous aurions l’air de tout ce qu’on veut après un an de promesses non tenues.
Tu aurais dû me laisser écrire à mon père [3] pour le laisser libre de disposer de ses oiseaux et de ses coquillages. Tu sais bien que je ne peux pas y aller. Eh bien ! à quoi bon lanterner ce pauvre vieux bonhomme ? Vous êtes vieux, cher petit bien-aimé, mais avouez que souvent vous n’avez pas le sens commun. Et ce pauvre Nanteuil, vous ne lui avez pas encore rien fait dire. C’est bien triste de penser qu’il ne va pas te voir peut-être par misère. Je voudrais que tu trouvasses le moyen de le voir et de lui donner un peu de courage [4]. Cela t’est si facile à toi, tu as de si douces paroles que toutes les douleurs disparaissent en les entendant. J’en sais quelque chose, moi. Soir pa, soir man. Si vous revenez ce soir, vous serez le bienvenu de tout mon cœur et je vous caresserai de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 211-212
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1L’usage fautif du pronom relatif est répandu, notamment à l’oral, chez des locuteurs de tous niveaux. Nous ne croyons donc pas devoir proposer une correction grammaticale (remplacement de « dont » par « que ») qui occulterait son expression naturelle sous la plume de Juliette.

[2C’est à Auteuil que la famille Hugo est installée pour l’été.

[3Il s’agit de René-Henry Drouet, le « père de cœur » de Juliette (voir la lettre du 25 septembre au matin).

[4Correspondance et biographie devraient pouvoir confirmer si Célestin Nanteuil est dans une mauvaise passe financière à ce moment-là, ce qu’on n’a pu vérifier.

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