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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 juin 1863

Guernesey, 21 juin [18]63, dimanche matin, 8 h.

Cher adoré, Dieu veut que l’amour domine tous les malheurs, toutes les douleurs et toutes les tristesses mais il n’empêche pas, hélas ! de les ressentir. Nous en faisons la cruelle expérience depuis longtemps. JE T’AIME est le mot que je voudrais pouvoir étendre sur ton chagrin pour te le cacher. JE T’AIME est le baume qui calme la plaie toujours vive de mon pauvre cœur. JE T’AIME est la date flamboyante que mon âme met en regard de la date noire que Dieu a mise dans ma vie  : 21 JUIN. JE T’AIME, c’est la terre et le ciel. JE T’AIME, c’est la foi et l’espérance. JE T’AIME, c’est le passé, le présent et l’éternité. Je t’ai demandé tout à l’heure par signes comment tu avais passé la nuit et tu m’as répondu par une demande sur moi-même de sorte que je ne suis pas plus renseignée qu’auparavant. J’espère que, malgré tes douloureuses préoccupationsa, tu auras suffisamment bien dormi et que tu n’as pas mal à la tête ce matin. Si tu le veux, et si le temps le permet, nous irons sur la colline tantôt. Jusque-là, mon pauvre adoré, il faut que tu sois bien calme, bien fort, bien confiant et que tu m’aimes pour que je sois moi-même résignée, résistante et sereine devant ton malheur et le mien [1]. Je voudrais trouver des mots si doux, si tendres, si convaincantsb pour te les dire afin de te faire oublier tout ce qui t’attriste en ce moment, mais je n’en trouve qu’un seul qui remplit tout mon être, qui est tout à la fois mon corps, mon cœur, mon esprit, mon âme, et que je t’ai déjà dit tant de fois que tu dois en être las. Cependant si tu veux que j’achève cette pauvre restitus permets-moi de te répéter jusqu’à la dernière ligne je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 163
Transcription de Gérard Pouchain

a) « préocupations ».
b) « convaincans ».

Notes

[1Victor Hugo s’inquiète pour sa fille, qui est partie en faisant croire qu’elle rejoignait sa mère, mais suit en réalité les traces du lieutenant Pinson.

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