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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 9 août [18]63, dimanche matin, 7 h. ½

Cette fois, c’est moi qui suis levée la première heureuse qu’il en soit ainsi si tu en profites pour dormir davantage en faisant une bonne rallonge à ta nuit. Je crains que ta lecture ne t’ait fatigué quoique ta voix soit restée également belle, forte et sonore depuis le premier mot jusqu’au dernier. Mais il me semble impossible que tu agites cette fournaise d’idées et de sentiments sublimes qui est en toi sans que tu en ressentes une sorte de lassitude physiquea et morale. Puis, le désheurement de tes habitudes de sommeil, il n’en faut pas davantage pour troubler ta nuit. Je ne saurai à quoi m’en tenir avec certitude que lorsque je t’aurai vu. En attendant, ce que je sais bien, c’est ta grâce et ta bonté inépuisables à te rendre à tous les désirs exprimés par nous-même quand cela peut te faire souffrir et te fatiguer. Mon cœur se fond en tendresse et en reconnaissance en y songeant et je t’admire autant que je t’adore. Je voudrais être auprès de toi, assez près pour baiser tes chers petits pieds en chair et en os. D’ici je peux t’apercevoir des yeux mais non te toucher, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Mais combien mon regret sera plus grand quand je te perdrai de vue ainsi que ta belle maison dans laquelle mon amour allait et venait comme chez lui ! D’y penser cela me rend triste et je me reproche d’avoir consenti à cet éloignement de voisinage, même pour des raisons de santé car le bonheur c’est plus que la vie. Malheureusement il n’est plus temps de revenir sur cette décision ; tout ce que je peux faire c’est de te supplier de ne pas trop m’en faire repentir en habitant chez moi désormais le plus que tu pourras. À cette condition l’écart de nos deux vies ne sera pas aussi douloureux et peut-être même y gagnerai-je quelques moments de bonheur de plus. Cela dépend de toi, mon adoré, moi je ne peux que te désirer de toutes les forces de mon âme, ce que je fais religieusement sans m’arrêter jamais. J’oubliais de te dire que j’ai dormi comme une marmotte toute la nuit et que je vais très bien ce matin.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 211
Transcription de Gérard Pouchain

a) « phisique ».

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