Bruxelles, 2 août [18]67, vendredi matin, 8 h.
Tu as eu raison de te fâcher contre moi, hier, mon trop aimé, et je tâcherai désormais de te cacher ma tristesse quand il t’arrivera de dépasser de beaucoup l’heure à laquelle j’espère te voir. Je tâcherai de disciplinera mon cœur selon les besoins de ta liberté.
Comment as-tu passé cette nuit ? Comment vas-tu ce matin et comment m’aimes-tu ? Moi j’ai assez bien dormi et je me porte très bien, au mal de tête près. Je crois que cela tient à la température anormale qu’il fait depuis plus d’un mois. Ce matin encore, il fait un froid de loup et le soleil boude dans son coin, on ne sait pourquoi. Tout cela n’arrange pas nos projets de villégiature [1] et je ne vois pas trop quand nous pourrons les réaliser. En attendant, je n’ai pas encore pu prendre sur moi de m’occuper de mes chemises dont j’ai cependant absolument besoin. Si je ne suis pas trop patraque après déjeuner, je prendrai mes jambes à mon cou et ma vieille Suzarde AVEC, pour courir les boutiques de lingerie. Je serai revenue au plus tard à deux heures. Je ne te parle plus de mon pauvre dîner hebdomadaire auquel je vois bien qu’il faut que je renonce. Je ne me plains pas mais tu ne serais peut-être pas juste d’exiger que j’en sois gaie, même devant toi. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je ne peux pas faire mieux.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 205
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « dicipliner ».