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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 23 juillet 1855, lundi après-midi, 2 h.

Cher adoré, je passe ma vie à penser à toi et à t’aimer, c’est ce qui fait qu’il me reste si peu de temps pour te le dire. Mais si tu pouvais voir les longs et ravissants poèmes de baisers, de tendresse et d’admiration que je contea en ton honneur dans le fond de mon âme, tu ne regretterais pas les insipides gribouillis que je te tire de mon encrier. AUTREFOIS j’avais la naïveté des enfants gourmands qui mangent la pelure de la pomme qu’ils viennent de croquer et que je faisais remâcher sous forme de restitus, le souvenir de nos ineffables voluptés de tous les jours. Mais il y a si longtemps que notre dernier trognon de bonheur est digéré que je n’ai plus rien à te mettre sous la dent que mon vieux et coriace amour, ce qui n’est guère appétissant, conviens-en. Voilà pourquoi, mon trop bien-aimé, je ne trouve plus matière, ni prétexte à gribouillis tandis que j’en trouve toujours dans mon fond intérieur pour t’adorer de tout mon cœur. Cependant, je suis bien heureuse chaque fois que j’ai l’occasion de placer le mot sacramentel de toute ma vie : JE T’AIME. Aussi c’est une grande privation pour moi quand je m’interdis par devoirs domestiques ou par raison, hélas ! de ne pas t’écrire ces sept lettres cabalistiques qui me contiennent tout entière : JE T’AIME. Aujourd’hui, je m’en donne à cœur joie pour les trois jours de jeûne que je viens de passer. Merci, mon divin adoré, pour l’adorable petite lettre que tu m’as écrite le jour de ta fête chérie ; merci pour les paroles de rédemption que tu m’as dites hier ; merci, mon Christ sublime, merci, mon Dieu vivant, merci. Si l’amour purifie, je suis sainte entre les plus saintes, car jamais homme ni Dieu n’a été plus aimé sur la terre et dans le ciel que toi par moi.

Juliette

BNF, MSS, NAF 16376, f. 289-290
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « compte ».

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