Jersey, 3 juin 1855, dimanche matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon grand peintre, bonjour mon sublime tout, bonjour, mon divin adoré, bonjour, avec l’espérance d’un beau soleil, bonjour, avec la certitude de mon amour éternel, bonjour. Le chiffre est encore plus beau à la grande lumière, si c’est possible, et me paraît de plus en plus facile à exécuter pour peu que Mlle Allix ait, comme je le crois, l’adresse de l’aiguille et le sentiment de l’art. Je suis impatiente de voir la chose exécutée. Aussi, si tu as pu insinuer hier à la susdite brodante que le dessin l’attendait, j’en serai bien contente parce que cela la forcera à venir le chercher aujourd’hui même [1]. En attendant, j’ai déjà vu passer le citoyen Durand avec son crâne chapeau neuf posé sur le bout de l’oreille. Mais je ne lui ai pas parlé car il était déjà passé hors de portée quand je l’ai aperçu.
Pauvre petit homme adoré, je te remercie de l’empressement si aimable et si doux que tu as mis à faire ce chiffre splendide. Je regrette de ne pouvoir que t’aimer de toute mon âme sans la moindre petite arabesque de talent et d’esprit. Ce n’est pas de ma faute si je ne suis qu’amour depuis la tête jusqu’aux pieds.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 233-234
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa