26 mai 1855

Jersey, 26 mai 1855, samedi après-midi

C’est bien la peine de me décarcasser comme une dératée à vous donner mon cœur pour que vous le laissiez piteusement sur ma table, vilain monstre, aussi vous voyez que mes restitus se racornissent de jour en jour et qu’il n’y en aura bientôt pas plus grand qu’une pointe d’épingle. Cette malice ne vous en paraîtra pas plus piquante pour cela, mais ma DIGNITÉ reprendra carrément le dessus. En attendant, je passe ma vie à me tirer le nez tout bonnement ; amusement médiocre mais douloureux. Pour peu que mes écluses nasales continuent de déverser leurs eaux, tout mon corps, y compris mes propres OS, y passera. Encore si ce rhume de cerveau avait eu l’esprit de se fourrer dans le piffe de Suzanne, il aurait pu s’y retourner à son aise et avoir ses coudées franches sans même qu’elle s’en aperçoive. Mais avec moi, il est forcé de me faire violence sans parvenir à m’être agréable. Taisez-vous ou [mon chiffre ou je vous  ?] repasse ma morve aiguë.

Juju

BnF, Mss, NAF 16376, f. 227-228
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa