Guernesey, 8 décembre 1862, lundi, 7 h. ½ du s[oir]
Tu avais eu la bonté de me faire crédit de ma restitus tout à l’heure mais mon cœur est un créancier bien autrement exigeant que toi, mon trop facile bien-aimé, et c’est lui qui m’ordonne de chasser mes pattes de mouche goutteuses devant lui à grand renfort de tendresse et d’amour. J’ai trop de bonheur à lui obéir pour faire une objection, sans compter que je crains qu’il n’y ait aucun moyen demain pour moi de mettre un mot devant l’autre tant ma pauvre main est enflée depuis ce matin, surtout le doigt du milieu. C’est à grande peine si je peux finir mon pauvre gribouillis de ce soir car voilà déjà trois fois que la plume m’échappe des doigts. Heureusement que je n’ai pas besoin de MEDIUM pour te dire mon amour, et la paralysie la plus complète et le mutisme le plus parfait ne pourraient pas empêcher mon âme de se manifester à la tienne par le magnétisme éternel dont elle est douée [et par ?] lequel je t’adore.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 263
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa