29 novembre 1861

Guernesey, 29 novembre 1861, vendredi 8 h. du matin

Bonjour, mon doux, mon grand, mon ineffable, mon sublime bien-aimé, bonjour, je t’adore. Je souhaite que tu aies passé une aussi bonne nuit que la mienne et que tu te portes aussi bien que moi ce matin. Tous mes bobos ont disparu et j’ai dormi comme un sabot toute la nuit. Ainsi, mon cher petit homme, si tu as suivi ce bon exemple et si tu m’aimes un peu ce matin, je n’ai plus rien à désirer que la continuation indéfinie de cet heureux état de choses et de bonheur. Maintenant, mon cher adoré, je tourne ma plume sept fois avant d’oser t’écrire la commission dont je suis chargée et qui intéresse des êtres qui te sont chers à tous les degrés, à commencer par le premier, le plus naturel et le plus saint de tous, ton fils Victor [1]. En finissant par ce bon gros Chenay, le dernier arrivé dans l’ordre mais non le moins intéressant, à coup sûr, à cause de sa charmante petite femme [2]. Je suis donc chargée par lui, par sa femme et surtout par ton fils Victor de te prier de consentir à ce qu’il grave tout de suite tes deux splendides dessins de toi que tu m’as donnés. Cela occuperait son inaction présente et lui serait une honorable et glorieuse ressource (dont il a grand besoin) au moment où tu consentirais à les laisser paraître en public. Mon cher adoré, tu connais ma discrétion habituelle et combien je respecte ton libre arbitre en toute chose, mais il s’agit cette fois du désir intime de ton fils qu’il a la bonté de vouloir qu’il te soit exprimé par moi, comme si aucune influence autre que la sienne [illis.] l’emporter dans ton cœur, enfin, je lui obéis avec le désir ardent de réussir.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 165
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette