Paris, 31 mai 1882, mercredi matin, 10 h.
Cher bien-aimé, je pressens pour toi une série bien laborieuse à en juger par les choses qui se présentent. D’abord ton intervention dans l’affaire des juifs [1] ; puis l’apparition de ton Torquemada demain, si Paul Meurice a dit vrai ; laquelle t’obligera à trois ou quatre cents signatures au moins. Mais ce que tu ne sais pas encore c’est une lettre d’Ulbach à moi adressée pour que je te la lise et qui demande, qui prie, qui supplie pour que tu écrives dans le plus bref délai au duc Torlonia syndic de Rome lequel est admirable pour toi malgré les clameurs des cléricaux et des royalistes enragés, lesquels affirment que ton silence est une insulte à l’Italie [2]. Il est vrai qu’on n’avait peut-être pas encore reçu ton télégramme. Mais une lettre de toi ne ferait qu’achever de confondre les bigots et les réactionnaires romains. Lesclide a apporté tout à l’heure quelques renseignements sur les malheurs juifs qui pourront peut-être te servir et moi je t’apporte mon adoration sans fin ni trêve.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 99
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette