Paris, 25 mai 1882, jeudi matin, 8 h.
Toujours pas d’épreuves [1], mon cher petit grand homme. Il est probable qu’ayant renoncé à paraître le trente mai on n’a plus la même raison pour se presser outre mesure maintenant qu’on a plus [de] temps devant soi. Du moins cela paraît résulter du temps d’arrêt d’aujourd’hui. Tu ne m’as pas dit ce matin comment tu avais passé la nuit. Si j’en juge d’après la mienne tu dois avoir bien dormi. Malheureusement cela ne prouve rien, nous en faisons trop souvent l’expérience chacun de notre côté. Les lettres pour les juifs continuent à affluer [2] et toutes te supplient d’élever la voix pour faire cesser ce monstrueux état de choses. Je t’ai mis de côté Le Rappel [3] d’hier qui contient cette longue lettre datée de Saint-Pétersbourg et signée d’un nom russe et je place au fur et à mesure qu’elles arrivent toutes les lettres des suppliants dans le même dossier ; c’est tout ce que je peux faire, hélas !
Il y a Sénat aujourd’hui, réunion dans les bureaux à une heure et demie et séance publique à deux heures. Mais, vu le peu d’intérêt de l’ordre du jour et du triste état du ciel, tu feras bien de rester chez toi tranquillement. Telle est mon humble opinion doublée d’un fier amour.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 94
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette