Paris, vendredi 29 avril 1882, samedi midi
Une affreuse nuit pour moi, mon cher bien-aimé, et une non moins affreuse matinée. Est-ce le temps, est-ce la goutte, est-ce Pologne, est-ce folie [1] ? Je souffre abominablement, voilà tout. Je me suis levée très tard, espérant que le repos et la chaleur du lit calmeraient mes douleurs mais il n’en a rien été. Je suis aussi patraque que devant. Heureusement que tu vas bien, toi, ce qui me redonne du cœur au ventre. J’aurais désiré t’accompagner avec Meurice au Rappel [2] mais la difficulté de trouver des voitures à trois places, surtout aujourd’hui que le temps est archi mauvais, fait que je renonce à te le demander. Je veux me réserver pour ce soir afin de ne pas arriver trop grimaude [3] au théâtre. En attendant, mon grand adoré, je vais aller te relancer chez toi pour te rappeler d’être prêta à une heure et demie quand Meurice viendra te prendre. Mme Lockroy a fait, de son côté, demander son déjeuner pour midi et demib. Quant à moi, je vous regarderai manger, attendu que j’étouffe et que je n’ai pas faim, si ce n’est de ton cœur, que je voudrais dévorer tout entier.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 68
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « près ».
b) « demie ».