Paris, 17 mars 1882, vendredi matin, 8 h.
Toujours de mieux en mieux, pour toi comme pour moi, mon cher bien-aimé, je le constate avec joie, car rien n’est plus doux que de s’aimer et de se sourire l’un l’autre, ce qui n’est pas toujours facile quand on souffre ou qu’on voit souffrir ceux qu’on aime. Tu as bien fait d’aller à cette fête des enfants hier [1]. Tu en as rapporté un redoublement de douceur, de sérénité et de gaîté radieuses que tout le monde remarquait et qui me remplissait le cœur de bonheur. Entre temps, comme disent les Belgiquois, moi, j’ai fait, je l’espère, un bon approvisionnement de linge [2] pour ta maison, que je fais marquer tout à ton nom : V. H. Draps de toile et taies d’oreillers pour toi, draps et taies pour tes domestiques, 10 services de tablea nappes et serviettes, chacun de 15 couverts.
Deux douzaines de serviettes de toilette ; idem d’office, de cuisine et d’essuie-mains ; deux douzaines [de] tabliers de cuisine en toile, 10 pour femme de chambre, idem de couleur. Huit douzaines de torchons grande grandeur. Quatre douzaines de mouchoirs en toile pour toi, 10 pour moi en batiste. Puis pendant que j’y étais je me suis achetéb deux robes avec l’argent de mes étrennes, sur lesquels 300 francs il m’est resté 2 F.75. Tu vois que je n’ai pas perdu mon temps. Êtes-vous content Môssieu ? Oui, grosse Juju [3] ; à preuve que je t’aime de vrai, de vrai, de vrai. Et bien, moi, je t’adore. ATTRAPÉc !
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 29
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « tables ».
b) « achetée ».
c) « ATTRAPPÉ ».