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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 26 février 1882, dimanche matin, 9 h.

Cher bien-aimé, je souris à ton quatre-vingtième anniversaire, et je le bénis de toute la force de mon âme. J’espère que Dieu m’accordera de les bénir tous autant d’années qu’il lui plaira de les renouvelera sur la terre. Pour cela, mon doux adoré, il faut que tu sois indulgent à mes maux incessants et nombreux et que tu m’encourages à vivre par beaucoup d’amour. La nuit a été rude et la matinée est encore bien douloureuse, mais je compte sur le reste de la journée pour me redonner un peu de force. J’ai reçu une lettre de Coppéea qui m’écrit de la part de Perrin du Théâtre-Français que la cérémonie aura lieu tantôt à quatre heures un quart précises et me charge en même temps de t’exprimer l’orgueil et la joie qu’il ressent d’avoir été choisi pour faire les vers en l’honneur de ton quatre-vingtième anniversaire, par les sociétaires du théâtre [1]. Tu verras un beau sonnet de Arsène Houssaye, des vers du général Pittié sur le même sujet, une lettre de Philippe Jourde que son grand deuil tout récent empêche de venir. Une lettre de la maison Hetzel te demandant un bon-à-tirer, etc., etc.
Mme Lockroy fait demander son déjeuner à onze heures précises pour pouvoir assister avec les enfants à l’invasion du peuple dans le Théâtre à une heure. Tout cela cause une certaine perturbation dans les habitudes de la maison mais comme ce n’est pas tous les jours fêteb tout le monde est heureux d’y être pour quelque chose ; témoin le bon Lesclide qui est déjà à l’œuvre depuis un moment. Quant à moi, mon adoré, je profite de toutes les occasions pour redoubler d’amour et pour demander ta chère petite redevance annuelle [2]. Je vais aller te porter ma lettre afin qu’elle te rappellec que tu m’en dois un accusé de réception plus tendre que celui que je viens de donner au porteur à cheval du général Pittié pour toi. Cher adoré sois béni autant que tu es admiré, vénéré et adoré par moi.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 9-10
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette


a) « Coppé ».
b) « renouveller ».
b) « fêtes ».
c) « rappelles ».

Notes

[1Pour fêter les 80 ans de Victor Hugo, plusieurs manifestations publiques sont organisées, dont Auguste Vacquerie rend compte le lendemain dans Le Rappel. La Comédie-Française donne une représentation gratuite d’Hernani, à laquelle assiste Victor Hugo, acclamé. À la fin du spectacle, on apporte son buste sur scène, et Mounet-Sully dit « L’Anniversaire », poème de circonstance de François Coppée. La Gaîté, le même soir, donne l’adaptation théâtrale de Quatrevingt-Treize par Paul Meurice. Après le spectacle, parmi les comédiens réunis autour du buste de Victor Hugo, Mme Laurent lit des vers d’Eugène Manuel. À l’Odéon, Paul Mounet lit des vers de Louis de Gramont. Une fête est organisée au domicile de Victor Hugo, au cours de laquelle Émile Blémont lui offre un bronze, au nom du comité organisateur de la fête de l’année précédente.

[2Dans un billet à Juliette, daté du 26 février 1882, le poète fait écho à cette demande : « Oui, nous nous la devons, cette lettre. C’est notre cri d’amour, c’est un remercîment à Dieu. Un je t’aime qui a quarante-neuf ans, est aussi béni que le premier. » (Jean Gaudon, édition citée, p. 326.)

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