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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 décembre [1844], mardi soir, 7 h. ½

Je suis aussi avancée qu’auparavant, mon Toto bien-aimé : Mme Marre n’était pas chez elle. Un peu plus je ne trouvais pas même ma grande fillette qui allait sortir pour aller à l’église. Je suis restée avec elle une heure et puis je suis revenue par le même chemin que j’avais pris en allant. La seule diversion que je me sois permise c’est d’entrer t’acheter quatre livres de raisin à 15 sous. J’ai pensé que cela te ferait du bien sans te charger l’estomac. Je suis aussi entrée chez la penaillon de la rue du Roi Doré pour lui recommander de m’avoir de la perle pareille à celle qu’elle m’a vendue et puis j’ai regardé en même temps toutes ses penailleries. Mais j’ai eu bien soin dans les deux boutiques de regarder si je ne te voyais pas passer. Hélas ! précaution inutile, tu ne pensais peut-être même pas à moi. Je ne veux pas croire cela parce que cela me ferait trop de chagrin. Mais enfin je ne t’ai pas vu et je suis rentrée juste à 4 h. ¼ à cette pendule-ci et j’étais sortie de chez moi à 1 h. ¼, n’ayant pu être prête plus tôt. Pendant ce temps Mme Triger était venue pour me dire que la représentation était remise [1]. Elle a dit à Suzanne qu’il fallait absolument qu’elle me parle et qu’elle tâcherait de revenir ce soir ou demain. Je prévois que ce pauvre Desmousseauxa désire que tu assistes à cette représentation. Tu verras à me dire ce qu’il faudra que je réponde de définitif. Maintenant, mon pauvre ange, je ne sais pas comment faire avec Mme Marre. Claire m’a dit qu’à l’approche du jour de l’an elle avait souvent besoin de sortir et qu’elle ne pouvait pas me désigner de jour. Tu me diras encore ce qu’il faudra que je fasse à ce sujet-là. Du reste, mon bien-aimé, le grand air et la marche m’ont fait le plus grand bien et si tu avais été avec moi, j’aurais été la plus heureuse des femmes. Vous n’êtes pas si gentil que mon petit poisson rouge. Vous ne restez pas assez longtemps. Cher adoré, je te vois vraiment si peu que je ne sais plus où j’en suis. Je suis pourtant bien heureuse quand je te vois. Il me semble que c’est le ciel qui s’ouvre. Tu ne devrais pas être si avare de mon bonheur, mon cher adoré. Pauvre Toto chéri, je sais bien que tu n’as pas le temps. Seulement il faut me laisser grogner un petit peu et me laisser jeter mon VÉLIN, cela me soulage. En attendant que tu viennes, mon Toto adoré, je pense à toi et je t’aime de toutes mes forces et puis encore et puis encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 187-188
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) Démousseaux.

Notes

[1La veille, Juliette a reçu la visite du fils de Mme Triger « qui venait de la part de Desmousseaux pour offrir des places pour sa représentation à bénéfice » prévue le lendemain. Prévoyant que Victor Hugo ne souhaiterait pas y assister, Juliette a décliné l’offre.

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