22 mai 1863

Guernesey, 22 mai [18]63, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon amour, bonjour, mon bonheur, bonjour je te souris, je te bénis, je t’adore. Tu m’as l’air bien gaillard ce matin, j’espère que c’est pour de bon et que les apparences ne sont pas trompeuses…..^a comme les œufs de ma poule dont six étaient CLAIRS, c’est-à-dire non fécondés. Nous venons de le constater tout à l’heure après leur avoir fait subir la dernière épreuve du BAIN-MARIE^b. Tout cela n’a pas été sans cris et sans contorsions de la mère-poule qui tenait autant à ses mauvais œufs qu’à ces bons petits qui sont au nombre de six. Après les avoir réchauffés et fait manger, nous les avons transportés dans leur petite maison dans un bon petit nid de foin bien douillet. Maintenant nous voilà tranquilles sur leur sort. Ils ne courent^c aucun danger, pas MÊME celui d’être MANGÉS par Fouyou car le poulailler est bien clos. Tout cela m’a occupée pendant plus d’une heure et m’a empêchée de te donner ma restitus plus tôt. Mais loin d’y perdre, tu y gagnes un GOOD et GREAT bavardage de basse-cour de [illis] donc tu ne peux pas te plaindre. D’ailleurs, quoi que^d je dise ou que je fasse, cela veut dire : AMOUR. Les mots, ou [l’action ?], [quelques conques ?], dont je me sers, ne sont que le prétexte pour te dire que je t’aime, ça n’est pas plus malin que cela. J’espère que nous réussirons à faire une bonne petite promenade tantôt. Jusque là je te baise de toutes mes forces.

J.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 134
Transcription de Chantal Brière

a) Juliette note cinq points de suspension.
b) « quoique ».