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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 novembre [1844], jeudi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon cher petit taquin, bonjour, mon ravissant petit Toto, bonjour, comment que ça va ? M’aimez-vous ? Ah ! Que je vous voie ne pas m’aimer et vous aurez affaire avec mon grand ÉMASCULATEUR ! Ah ! Mais c’est que je ne FARCISSE pas plus que ça. Prenez-y garde.
J’ai l’espoir de te voir aujourd’hui avant d’aller à ton Académie à cause de tes gants que tu m’as laissés à faire raccommodera. Dorénavant il faudra que j’aie toujours une partie indispensable de votre toilette pour vous forcer à la venir chercher. Il n’est pas de ruse que je n’emploierai pour vous agripper une minute, ainsi vous pouvez y compter. Si cela vous désoblige et vous fait perdre votre temps j’en suis fâchée. Je perds bien le mien, moi, à vous aimer dans le désert. Du reste j’ai l’honneur de vous annoncer que TOUS LES OBSTACLES ONT DISPARUb. C’est une grande bonté de ma part de vous en prévenir car vous auriez pu vous lancer dans des démonstrations formidables comptant sur l’absence de l’ennemi. Je veux vous épargner cette surprise afin que vous soyez sur vos gardes. On n’est pas meilleure que moi, j’espère ? Remerciez-moi avec reconnaissance car j’aurais pu vous laisser tomber dans le piège. Mon cher petit bien-aimé chéri il faudra tâcher d’aller acheter ces parapluies. Je ne voudrais pas attendre, c’est-à-dire faire attendre le sien à ma fille plus longtemps ; outre qu’elle en a le plus grand besoin c’est aussi son cadeau d’Étrennes de l’année dernière. Et puisque nous avons l’argent là il faudrait tâcher de l’employerc le plus tôt possible pour ce à quoi il est destiné. N’est-ce pas que c’est juste ? Baisez-moi cher petit et venez bien vite. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 75-76
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « racommoder ».
b) « disparus ».
c) « l’emploier ».


21 novembre [1844], jeudi soir, 8 h. ¾

Je viens de tailler en pleins draps. Je n’ai pas voulu attendre une minute pour me donner ce plaisir ; puisque vous ne voulez pas m’en donner de plus raffiné il faut bien que je prenne ceux-là. Plaisanterie à part, mon cher petit bien-aimé, je suis très contente d’avoir cette toile. Eulalie partage mon opinion. Elle continue même à me donner de mauvais conseils que je n’écoute que d’une oreille parce que je ne veux pas te ruiner. Pauvre amour doux et charmant, laisse-moi te remercier à mon aise. Tu ne sais pas à quel point tu es aimablement bon et charmant. Je voudrais que tu puissesa te mirer dans mon cœur, tu serais ébloui de toi-même. Si je pouvais ne jamais te quitter je n’aurais rien à désirer au monde. Hélas ! Tout me manque. J’espérais que tu aurais vu Villemain à l’Académie et que tu aurais appris quelque chose de nouveau. Je me suis trompée. Je finis par me momifier dans cette infinissable affaire [1]. Je ne sais plus où j’en AI mais je sais cependant que je suis furieuse contre toute la nature à ce sujet. Tu serais bien ravissant et bien adoré si tu venais tout de suite, mon Victor bien-aimé. Tu ne peux pas savoir combien tu me rendrais heureuse car tu ne peux pas savoir combien je t’aime et combien je te désire ; hâte-toi le plus que tu pourras tu ne viendras jamais assez tôt. En attendant je te baise de toutes mes forces en pensées et en désirs. Je t’aime je t’adore je voudrais baiser tes pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 77-78
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « puisse ».

Notes

[1La nomination de Victor Hugo à la Chambre des Pairs.

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