Guernesey, 19a avril 1856, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon doux bien-aimé, bonjour avec tout ce que j’ai de plus tendre dans le cœur et dans l’âme, bonjour. Je suis levée depuis deux heures déjà et j’ai mis le temps à profit en t’aimant au saut du lit et dès que j’ai eu les yeux ouverts. Cela vaut mieux que de m’agiter sans dormir comme je l’ai fait toute la nuit. Comment vas-tu, toi, mon cher petit homme ? À quelle heure a fini la soirée LITTÉRAIRE ? Je serais curieuse de connaître le jour de la soirée, NON LITTÉRAIRE, vous me le direz si vous pouvez. Quant à moi je donnerais bien deux sous pour assister à l’une et à l’autre de ces soirées dans un petit coin et invisible et même à l’état d’ESPRIT. Comme je me délecterais et comme je vous pincerais les mollets quand vous faites vos yeux à CHLORIS [1] Duverdier et que vous lui faites des [quines ?] en TOCQUE. Au lieu de cela je me couche bêtement pour ne pas dormir, ce qui ne me fait pas rire, je vous prie de le croire. Taisez-vous car je bisque et je suis très disposée à vous ficher des coups à la prochaine rencontre. En attendant je vous aime comme une pas grand chose que je suis.
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 123
Transcription de Chantal Brière
a) La date du « 18 avril », inscrite par Juliette Drouet, est corrigée.