Paris, 4 avril [18]79, vendredi matin, 8 h.
Mon cher grand homme bien-aimé, je me suis imposéa aujourd’hui de n’être pas triste, de ne pas souffrir et d’être très aimable ! « De ces trois choses en ferez-vous une ? » [1], réponse : « si cela se peut, si cela me plait, si cela me convient. » J’espère, à force de volonté, de courage et d’amour résoudre à mon honneur ces trois graves questions. En attendant tu dors et d’un bon sommeil, ce qui me plait, pendant que les lettres et les réclamations pour la représentation [2] de ce soir se succèdent sans interruption. Il va sans dire que Lesclide est en tête, son gendre fait chorus et le bon et charmant Gustave Rivet fait entendre une note suppliante, aimable et désolée. Moi-même, si j’osais, j’entrerais dans le concert des mécontents pour y faire ma partie car, à mon grand étonnement, on a substitué à la baignoire de cinq places qu’on me donne toujours une baignoire de trois places, c’est-à-dire le prétexte pour toi de rester en dehors de ma maussade compagnie. Heureusement que cela ne préjudicie en rien au succès de Ruy Blas et que ni mon cœur ni mes mains ne resteront oisifs. Je te souhaite bonne chance et pas de remords.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 91
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]
a) « imposée ».