Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1844 > Octobre > 6

6 octobre [1844], dimanche matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, crudel tyrano [1], bonjour, vous, bonjour, toi, comment vas-tu ce matin ? As-tu bien rêvé de Mme de GROS TAMBOUR [2] ? Étais-tu le plus heureux des hommes en songe en attendant l’énorme réalité ? Je voudrais savoir cela tout de suite. Dépêchez-vous donc de venir bien vite me donner la suite de votre bonheur et me dire si gros tambour jouera de votre FLÛTE. Moi qui n’ai pas de bonnes fortunes, je fais des rêves fort peu gracieux et qui ressemblent un peu trop à ma vie réelle….a Pauvre ange adoré, je blasphème. Je ne veux pas me plaindre car je suis la plus heureuse des femmes en dépit des rêves. Je me souviens des caresses si douces et si tendres d’hier au soir et je me crois revenue aux premiers beaux jours de notre amour. Non, je ne suis pas malheureuse, non, non, mille fois non, puisque tu m’aimes et je ne peux jamais l’être, quoi qu’ilb arrive, tant que tu m’aimeras.
Je voudrais te voir en ce moment, mon adoré, pour te couvrir de baisers, pour t’aimer et pour t’adorer. Tâche de venir bien vite, je suis impatiente de savoir si tu as pris du repos cette nuit. Je vais faire ta tisaneb en t’attendant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 219-220
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Juliette ponctue de quatre points.
b) « quoiqu’il ».
c) « tisanne ».


6 octobre [1844], dimanche soir, 5 h.

Oh ! que vous êtes un charmant espiègle, mon adoré ! Et que vous faites bien les pieds de nez au Constitutionnel, à Voltaire et au National  !
Oh ! que je vous admire et que je vous aime d’avoir été dans cette bonne ville de Worms [3] pour vous y inspirer de cette bonne ironie enfantine et terrible qui tue mieux que la colère la plus violente. Mais, qu’est-ce que je dis donc là, moi, pauvre Juju, cela me sied bien en vérité.
Je ferais bien mieux de défaire et de déranger votre sac de nuit et tout ce qu’il contient que de regarder par dessus votre épaule ce que vous écrivez. Je vous demande bien pardon de mon indiscrétion et je redeviens la pauvre Juju plus que jamais.
Avec tout cela, mon cher adoré, je vous ai à peine vu. Cela ne m’arrange que tout juste. Encore, si j’avais l’espoir que vous reviendrez d’ici à l’heure du dîner, cela me consolerait et me ferait prendre patience. Mais, quand je songe qu’il me faudra attendre jusqu’à onze heures ou minuit pour vous voir un petit quart d’heure, j’ai envie de m’en aller me promener aux Champs-Lysée [4] pour voir si j’y suis.
Je vous aime trop, mon Toto, et j’ai la certitude de ne pouvoir pas jamais vous aimer moins. C’est triste. Voime, voime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 221-222
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Il pourrait s’agir d’une tentative pour « tyran cruel » en italien, ce qui s’orthographierait plutôt « crudele tirano ».

[2À élucider.

[3Worms est une ville d’Allemagne qu’évoque Hugo dans les lettres du Rhin. L’une de ces lettres a pour titre « Worms-Mannheum ».

[4Champs-Lysées est le nom que Hugo a donné a un chat adopté, si l’on en croit les indications données par la lettre du 25 septembre 1844.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne