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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 avril [1849], jeudi matin, 5 h. ¾

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon bon petit homme, bonjour, dors bien, je t’aime. Tu vois par l’heure à laquelle je te dis ce bonjour que j’ai très peu dormi. Depuis deux heures du matin je n’ai pas fermé l’œil. Aussi je suis plus fatiguée ce matin que lorsque je me suis couchée hier au soir. À cela près je vais bien. J’espère que le médecin viendra enfin ce soir et qu’il me donnera de quoi calmer cette stupide agitation.
Je te remercie, mon Toto, d’avoir pensé à moi pendant cette nuit de plaisirs et au milieu de toutes ces femmes armées en guerre et faisant feu de leurs plus vives provocations. Cependant je t’avoue que, malgré que tu sois sorti sain et sauf de cette grande et chaude mêlée de jambes, d’appâts et de sourires retroussés jusqu’au cynisme, je ne verrais pas sans effroi se renouvelera l’épreuve souvent. Je ne sais pas si le regard qui doit te tuer est fondu, mais je sais que je ne survivrais pas à une égratignure faiteb à ton cœur. C’est pour cela, mon amour, que je suis si tourmentée et si malheureuse quand je te vois affronter de si grands dangers sans nécessité. Pour cette fois m’en voilà quitte pour la peur et j’en remercie le bon Dieu et l’ange de la fidélité qui t’ont préservé de tout mal. Maintenant il faut te reposer dans ta victoire et attendre quelque peu pour t’exposer à de nouveaux périls. D’ici là, je tâcherai que tu ne t’aperçoivesc pas trop de la douce monotonie de la paix.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 95-96
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « renouveller ».
b) « égratignure fait ».
c) « tu ne t’aperçoive ».


12 avril [1849], jeudi matin, 10 h.

Plus je vois ma petite table et moins je veux vous la donner. Ceci est naïf mais rapace. Je ne la cache pas, au contraire. D’ailleurs, je suis encore en cela et votre exemple et vos leçons, je ne peux pas choisir un meilleur et un plus charmant maître, voime, voime. J’aurais pourtant mieux aimé aller avec vous à l’Assemblée. Il est vrai que pendant deux ou trois heures je n’aurais su que faire et que j’aurais été fort embarrassée de m’imposer tout ce temps chez la mère Sauvageot. Il est donc convenu que je serai au rendez-vous à 2 h. ½. Quanda on pense à ce qui devrait contenir de bonnes et douces choses, ce matin rendez-vous dit par une femme à un homme, et que le nôtre ne contient rien du tout que l’Académie et les 39 barbons, qui en font le plus hideux ornement, c’est à désespérer les Juju futures qui se laisseront prendre par les Toto à venir et par des mots à double entente. En attendant j’irai à ce rendez-vous… creux, puisque rendez-vous il y a, mais rendez vous la Justice d’avouer que ce n’est pas ainsi que vous vous êtes rendu le maître de mon cœur, de ma vie et de mon âme. Ceci dit, je vous recommande de nouveau et avec les plus tendres instances de ne pas faire d’imprudence et de prendre toutes les précautions contre tout ce qui peut développer le choléra. Mon Victor adoré garde bien ta vie qui est la mienne.

Juliette

Collection particulière, MLM / Paris, 65303 0040/0042
Transcription de Gérard Pouchain

a) « quant ».

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