Paris, 4 janvier [18]79, samedi matin, 6 h.
Tu vois, mon grand bien-aimé, par l’heure de ma restitus que ma nuit a été fort écourtée car avant de me décider à me lever tout à fait j’ai fait plusieurs fausses sorties de mon lit sans pouvoir retrouver le sommeil qui m’avait lâchement abandonnée pour quelque dormeuse plus facile que moi. Encore si je pouvais croire que c’est en ta faveur qu’il m’a dédaignée, loin de m’en plaindre je m’en féliciterais, au contraire, mais je doute qu’il ait eu cette bonne inspiration, voilà pourquoi je grogne.
La nuit est noire, la pluie serrée et mes pensées sont à l’unisson et mon cœur aussi sans savoir pourquoi. Cependant je relis dans mon âme ton adorable petite lettre dernière qui me semble écrite sous la dictée de nos anges [1] et avec le consentement de Dieu et je tâche de me tranquilliser en redoublant de confiance, d’espérance et d’amour.
Cher adoré bien-aimé, pardonne-moi toutes ces confidences intimes qui n’ont pas d’autre intérêt que de te montrer l’état de mon esprit, de mon cœur et de mon âme à toutea heure du jour et de la nuit. Je serais bien heureuse si tu pouvais avoir bien dormi cette nuit. En attendant que tu m’en donnesb toi-même la bonne nouvelle je te souris, je te bénis, je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 5
Transcription de Chantal Brière
a) « tout ».
b) « donne ».