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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 février [1849], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon ami Toto, bonjour mon cher petit tondu, comment que ça vous va ce matin, votre [titan ?] ? J’espère que vous n’êtes pas malade au moins ? D’abord je vous le défends expressément ou je recommence tout de suite les journées de Juin [1]. Ah ! mais voilà comme je suis en février 1849 et si vous dites un mot de travers je m’insurge indéfiniment. Dites-le donc pour voir, rien qu’un peu, un seul petit peu. Vous n’osez pas comme un affreux représentant réac et aristo que vous êtes, mais je vous mettrai dans ma PET CORRESP [2] et nous verrons si vous oserez bouger. Puisque vous n’allez pas à la fête [3] aujourd’hui, vous seriez bien aimable de me donner quelques bonnes petites heures d’intimité et de bonheur. Cher adoré, est-ce que tu ne sens pas combien j’en ai besoin ? Est-ce que tu ne trouves pas qu’il serait juste de m’indemniser de temps en temps de toutes ces longues journées solitaires pendant lesquelles je t’attends, je souffre et je t’aime ? Si tu le comprends hâte-toi de venir, toute chose cessante, et donne-moi la joie de te posséder quelques heures en l’honneur de notre pauvre anniversaire si piteusement et si tristement fêté. Je t’attends avec tout mon amour dehors. Je te baise avec toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 29-30
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Souchon]


24 février [1849], samedi soir, 10 h. ½

Oh ! je t’aime d’être revenu tout à l’heure, mon doux adoré. Oh ! je suis heureuse ! Oh ! tu es bon, je te le dis du fond du cœur et avec toute l’énergie de l’amour heureux. Je ne veux en rien diminuer ma reconnaissance et ma joie en pensant que ton apparition aurait pu être peut-être un peu plus longue. Non, je te sais trop de gré et je suis trop heureuse dans l’âme pour faire cette vilaine remarque. Je ne vois qu’une chose, c’est que tu es venu, que tu as quitté ton travail, tes amis et ta ravissante famille pour me donner cette joie. Rien ne peut t’exprimer ce que cette marque d’affection et de bonté me fait éprouver. Sois béni mon Victor. C’est bien pieusement que je le demande au bon Dieu pour toi. Quand tu es arrivé tout à l’heure, j’étais en train de parler de toi, d’abord je ne saurais pas avoir d’autre sujet de conversation. J’étais en train de dire à ces jeunes filles [4] toutes les belles actions de ta vie, c’est-à-dire, toutes celles qui me venaient à l’esprit au fur et à mesure que je les racontais. C’est un besoin pour moi d’épancher le trop plein de mon cœur dans des âmes honnêtes et intelligentes qui n’en perdent pas une goutte. Je t’aime, mon Victor, avec adoration.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 31-32
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1Les journées de Juin désignent les insurrections qui ont eu lieu à Paris, du 23 au 26 juin 1848, à la suite de la fermeture des Ateliers nationaux.

[2Allusion au titre d’une rubrique de journal, Petite correspondance, qui donne les échos de la vie politique.

[3Premier anniversaire de la Seconde République.

[4Julie et Louise Rivière, qui rendent régulièrement visite à Juliette Drouet.

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