Guernesey, 23 mai 1858, dimanche matin, 7 h. ½
Encore bonjour, mon doux bien-aimé, et puisse ce second bonjour te donner la santé ce matin en même temps que toutes les tendresses de mon cœur au milieu de mon inquiétude. J’espère pourtant que tu auras passé une bonne nuit malgré et peut-être à cause de la houspillade que tu as donné à ton affreux clou [1]. En attendant que tu viennes m’apporter toi-même de tes chères nouvelles, je guette le moment où tu ouvriras ta fenêtre pour tacher de voir par ton attitude si tu es moins souffrant qu’hier soir. [illis.] qu’il ne faut pas songer à la fameuse partie de loto de ce soir ? Peut-être ferai-je bien d’en prévenir les Marquand qui pourraient alors disposer de leur soirée comme ils l’entendraient. Tu me diras cela ce matin, mon cher petit homme. Je remarque avec regret que le vent est toujours très froid et très fort ce qui n’est pas bon pour ton bobo. Si tu m’en crois, tu resteras chaudement auprès de mon feu au lieu d’aller te faire éventer sur la colline. Cependant, si tu persistesa à vouloir te promener malgré vent et marée et clou, je t’accompagnerai, mon bien-aimé, parce que je ne veux pas que tu sois sans moi quand tu souffres partout où je peux t’accompagner.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 111
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « persiste ».