Paris, 26 avril [18]72, vendredi matin
Mon cher bien-aimé, je suis si patraque ce matin que c’est à peine si j’ai la force de te donner mon bonjour. Je le fais cependant au risque de ne pas le conduire jusqu’au bout. Je suis si fatiguée qu’il me semble que le repos éternel lui-même ne me reposera pas assez. Heureusement que j’ai encore au fond de mon vieux cœur l’élixir des élixirs, l’amour, qui me tient lieu de force et de courage. C’est sur lui que je compte pour mener à bien cette journée et celles qui suivront, consacrées d’avance à ton service. À ce sujet, je te prie de dire à Suzanne combien tu as invité de personnes pour ce soir. Quant à demain, voici la liste déjà à moi connue : MM. Schoelcher, Lecanu et sa nièce, Naquet s’il n’est pas parti en Espagne et Pelletan [1] qui m’a priée de lui permettre de transposer ton invitation pour ce soir à demain. Cela fait en tout jusqu’à présent cinq personnes sans nous compter. Tâche d’en rester à ce chiffre et aime-moi si tu peux. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 115
Transcription de Guy Rosa