Guernesey, 13 oct[obre 18]78, dimanche matin, 6 h.
Bonjour, mon doux adoré, comment as-tu passé la nuit ? As-tu mieux dormi qu’hier ? Je l’espère d’après moi qui n’ai fait qu’un somme de minuit à cinq heures du matin. Depuis une heure que je suis levée j’ai déjà dit adieu à Mademoiselle Stella Matutina [1] et Bonjour à Môsieur Soleil. J’aurais dû commencer par toi (à tout seigneur, tout honneur) mais j’ai préféré attendre qu’il ait allumé tous ses rayons pour les faire servir à illuminer mon gribouillis depuis A jusqu’à Z. Il fait un temps charmant et mon merle chante comme un… merle, qu’il est, pendant que je t’aime comme une âme … damnée que je suis. Aussi donc, tout est bien au ciel et sur la terre, dans mon cœur et dans mon âme.
Je pense avec joie que nos chers voyageurs, Paul Meurice et ses trois chers enfants, vont avoir un temps exquis pour leur dernière étape de Granville à Paris [2]. Et je pense, aussi, que le bon Dieu nous donnera aujourd’hui une heureuse journée bénie où nos deux cœurs n’en feronta qu’un pour dire : je t’adore !
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House [3]
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]
a) « ferons ».