Paris, 15 mai [18]78, mercredi soir, 7 h.
Une visite inattendue, celle de la petite Cosette [1] et de sa mère. Elles ont été toutes deux assez déçues de ne trouver que moi à la maison. Elles espéraient te voir ainsi que Petite Jeanne et le jeune Georges dénichés depuis longtemps et qui ne rentreronta que pour coucher ce soir. J’ai fait de mon mieux pour atténuer leur malchance en comblant Cosette de biscuits et d’oranges autant que ses petites poches pouvaient en contenir et j’ai été aussi aimable que je l’ai pu avec la pauvre mère qui voit arriver avec inquiétude la fin des représentations des Misérables. Elle est très discrète mais elle serait bien heureuse, j’en suis sûre, si on allait au-devant de son désir d’obtenir un emploi dans un théâtre de Paris au lieu de courir la province misérablement comme elle l’a fait jusqu’ici. Elle accepterait l’emploi des utilités qu’elle remplirait très bien car elle me paraît très intelligente et très sérieuse. Mais, mais, mais qui est-ce qui peut se charger de recommander ces deux intéressantes créatures ? That is the question. J’en parlerai ce soir à Paul Meurice, de ton côté, mon grand bien-aimé, si tu pouvais parler utilement pour elles tu le ferais sans que je t’en prie. Aussi je n’ajoute plus rien à mon gribouillage que mon amour de plus en plus tendre, de plus en plus grand, de plus en plus vénérable.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 127
Transcription de Chantal Brière
a) « rentrerons ».