Paris, 2 avril [18]78, mardi soir, 6 h. ¾
Cher bien-aimé, me voici au bout de ma journée sans pouvoir me rendre compte à quoi je l’ai employée et pourquoi je suis si fatiguée. C’est bête comme choux, voilà tout ce que je sais. Je regrette que tu aies égaré la lettre de Mme de Lacretelle qui contenait le nom de son protégé et aussi ce qu’il espère de toi. Quant à moi je ne sais rien de rien si ce n’est l’adresse de Mme de Lacretelle rue Montaigne 17. Avec cela tu t’en tireras très bien. Quant à moi je ne suis pas fichue de mettre un mot devant l’autre tant je tourne à l’imbécillité. En revanche les poulets [1] de toute provenance tombent dru comme la grêle dans cette saison dans ton poulailler. Que de cocottes ! que de cocottes ! que de cocottes ! C’est à ne savoir où les fourrer, j’en suis ahurie et abrutie. Cela étant je me rabats sur petits déjeuners jaunes [2] faute de mieux et je leur roucoule un tas de douces niaiseries à ton adresse.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 89
Transcription de Chantal Brière