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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 septembre [1847], lundi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon pauvre père triste, bonjour tous ceux qui aiment et tous ceux qui souffrent. Je voudrais pouvoir vous consoler tous et prendre pour moi seule tous vos chagrins. Il me semble que je supporterais plus courageusement ma propre peine si je vous savais à l’abri de tous les maux. Et cependant je mourrais bien vite si tu cessais de m’aimer. J’espère que le repos de la nuit aura apporté du calme et de la résignation dans l’esprit de ton pauvre Charlot et qu’il est moins malheureux ce matin [1]. Je le désire de toutes mes forces et de toute mon âme. Il serait à désirer en effet que Vacquerie pût l’emmener tout de suite à Villequier. Quinze jours d’absence rompraient certainement cette liaison qui n’a pas eu le temps de jeter des racines bien profondes dans la vie de ce pauvre garçon. Il reviendrait de là guéria et tranquille au moins pour quelque temps. Mais je te dis là ce que tu sais mieux que moi et ce que tu ferasb faire si c’est possible aujourd’hui même. Il n’est que trop probable que cette occupation jointe à ton travail t’empêcheront de venir de bonne heure chez moi. Aussi je vais être bien tourmentée, outre mon impatience et la tristesse habituelle que me donne ton absence tant que je ne t’aurai pas vu. Mon Victor bien-aimé je pense à toi, je souffre avec toi, je t’aime et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 216-217
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « guérie »
b) « fera »


20 septembre [1847], lundi après-midi, 1 h. ½

Je suis impatiente au dernier point, mon Victor bien-aimé, de savoir ce qui se passe chez toi, non par une stupide et indiscrète curiosité mais par la plus tendre et la plus sainte des sollicitudesa. Il me semble impossible d’ici que ton Charlot soit sérieusement épris de cette femme. Je sais bien que ces sortes d’engouements simulent assez bien l’amour pour que celui qui y est en proie n’en souffre pas violemment si quelque déception vient se jeter à la traverse mais cela ne dure pas longtemps heureusement. C’est toujours trop mais vous avez tant de moyens de le distraire et tu as en particulier tant d’ascendant sur son cœur et sur son imagination que j’espère que dès aujourd’hui il se sent plus calme et plus courageux. Pardonne-moi de ne te parler que de cela au lieu de chercher à te le faire oublier mais je m’identifie tellement à tout ce qui te touche que je ne peux pas en détacher ma pensée. J’y reviens sans cesse au risque de t’importuner. C’est que je vous aime bien tous, les beaux et bons enfants, et que j’adore votre père. Aussi tout ce qui vous blesse m’attriste, tout ce qui l’afflige me désespère. Je ne veux pas que vous ayez de chagrin ni les uns ni les autres. Je ne le veux pas entendez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 218-219
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[ Souchon, Massin]

a) « sollicitude ».

Notes

[1Il s’agit d’éloigner Charles de l’actrice Alice Ozy, auprès de laquelle, sans que Juliette Drouet le sache, le père et le fils sont en rivalité.

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