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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 septembre [1847], jeudi matin, 7 h.

Bonjour, sinon beau jour, mon petit bien-aimé, il fait un froid de chien et je tremble en t’écrivant. Le sieur Fouyou vient de rentrer de son expédition tout mouillé et dans un état hideux. Il paraît qu’il n’a fait que crier toute la nuit pour que Suzanne lui ouvre la porte mais, contrairement à son habitude, elle ne s’est pas relevée pour lui ouvrir. Ce procédé m’a beaucoup surprisea de sa part. Ce serait pour le corriger, a-t-elle dit, de son goût pour le clair de lune. Quant à moi, j’y renonce et je vous abandonne à tous mon jardin la nuit et le jour pour en faire ce que vous voudrez. J’ai lutté tant que j’ai pu, maintenant j’y renonce. Je ne sais pas si c’est cet affreux temps qui me donne ce découragement et qui m’inspire cette magnifique indifférence à l’endroit de mon gazon et de mes fleurs, mais le fait est que dans ce moment-ci je n’y tiens plus du tout.
Il y a bien autres choses auxquelles je tiendrais mais qui me passeront devant le nez comme d’habitude. Cependant j’y tiens et j’y tiendrai toujours parce qu’il n’y a rien de plus courageux que le cœur et de plus tenace que l’amour. Sur ce baisez-moi et restez bien chaudement dans votre dodo. Je vous l’ordonne.

Juliette

MVH, α 9000
Transcription de Nicole Savy

a) « surpris ».


16 septembre [1847], jeudi, midi ¾

Cher mignon, je t’écris sous l’influence du mal de tête, du mauvais temps et de la visite d’Eugénie, toutes choses fort peu aimables en elles-mêmes. Aussi sera-ce un tour de force d’amour si je parviens à extraire de tout cela un peu de bonne humeur. Pour m’y aider je pense à tantôt. J’irai te chercher malgré vent et [mot illis.], malgré la pluie et les torrents de stupidité qui vont me crever sur la bosse : je ne crains rien et j’espère me résigner à tout ; ainsi donc à tantôt. D’ici là j’irai voir le médecin. Jusqu’à présent je ne sens pas que la médecine me fasse grand-chose. Cependant j’ai moins de pesanteur dans les reins, mais en revanche j’ai plus mal à la tête et mes douleurs de cœur sont plus fortes. Il y a compensation comme tu vois. ON N’EST PAS PARFAIT. Il n’y a que toi qui pourrais l’être. Cela ne tient qu’à un POT par-ci par-là. Il faut vraiment que la perfection soit chose peu désirable pour se la refuser à si peu de frais. Taisez-vous affreux COROMANDEL [1] que vous êtes. Vous en parlez bien à votre aise, vous qui n’avez qu’à ouvrir la bouche pour que les bahuts, les commodes, les laques et les chinois de toute espèce vous tombent tout rôtis : tandis qu’à côté de vous votre pauvre Juju tire la languea.

MVH, α 9001
Transcription de Nicole Savy

a) En lieu de signature, un petit dessin représentant Juliette de profil, tirant une longue langue pointue.

© Maisons de Victor Hugo / Ville de Paris

Notes

[1Juliette fait allusion aux laques chinoises de Coromandel.

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