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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 septembre [1847], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour les amis, bonjour les autres, bonjour tous les vilains sâles, comment que ça va aujourd’hui ? Toujours bien n’est-ce pas ? Vous n’êtes pas si bête de vous arrêter en si bon chemin et je vous félicite de tout mon cœur : vous savez que c’est aujourd’hui dimanche et que si vous ne venez pas de bonne heure travailler auprès de moi nous serons envahis par la canaille ce soir. Je sais bien que je peux la parquer loin de vous mais le voisinage n’en est pas moins incommode et ennuyeuxa. Cher petit homme, mon Victor adoré je voudrais ne pas perdre une seule goutte du bonheur que tu peux me donner ; c’est pour cela que je te supplie de venir de bonne heure si cela t’est possible. Tu t’en es allé bien vite cette nuit. Cependant je ne dormais pas, c’est injuste. Une autre fois je me mettrai en travers la porte. Il faudra bien que tu me passes sur le corps si tu veux t’en aller malgré moi. Je suis sûre que tu aimeras mieux rester toute la nuit que d’en venir à cette extrémité. Tu n’es pas aussi [FIER  ?] que tu en as l’air. Je ne t’en faisb pas mon compliment. À la rigueur je t’aimerais mieux capable de tout sans X, que de rien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 204-205
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».
b) « fait ».


12 septembre [1847], dimanche après-midi, 1 h. ½

Cher bijou, mon doux amour, mon bien-aimé, je pense à toi et je pense combien il serait charmant de vivre dans ce moment à cent lieues de Paris côte à côte comme ces beaux petits oiseaux qui se tiennent toujours sur le même bâton. De penser à cela les larmes me viennent aux yeux de regrets et de souvenir du passé. Autrefois tous les ans nous avions ce bonheur ineffable. Maintenant il ne nous reste même pas l’espoir. Car, quoi que tu en dises, pour me faire prendre patience et m’habituer petit à petit à cette vie sans joie et sans amour, je m’aperçois trop bien que toutes ces douces jouissances sont perdues à tout jamais pour nous. Si je me trompe, et je ne demande pas mieux que de le reconnaître, le bon Dieu devrait m’envoyer la confiance et l’espoir d’un bonheur prochain. Mais, hélas ! J’ai beau me tourner de ce côté-là j’ai beau ouvrir mon cœur et mes yeux tout grands je ne vois rien venir et je ne sens en moi aucun avant-courriera, aucun pressentiment qui m’annoncent que le bonheur est près. Pardon mon Toto de ce rabâchage mélancolique. Cela tient à l’état particulier de mon esprit et de mon cœur. Je t’aime plus que jamais mais je suis triste. Ces deux choses réunies donnent le résultat que tu vois. Ce n’est pas de ma faute. Ton doux visage, ton ravissant sourire me rendent le courage et la confiance qui me manquent en ce moment hâte-toi de me les apporter.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 206-207
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « avant-courier ».

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