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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er septembre 1847

1er septembre [1847], mercredi matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour de tous mes vœux pour la santé de ton cher enfant, bonjour de tout mon cœur et de toute mon âme. Comment a-t-il passé la nuit ? Je ne le saurai que dans une heure car je ne veux pas envoyer chez toi plus tôt, dans la crainte de déranger si on repose, ou que cela ne paraisse étrange d’envoyer si matin. J’espère qu’elle [1] m’apportera de bonnes nouvelles et que tu me les confirmeras tantôt quand je te verrai. D’ici là, mes pauvres aimés, je vais bien vous aimer. Je caresse de l’âme le grand front de mon beau Toto, et je berce le petit pour assoupir son mal. Je lui défends de parler HAUT très HAUT encore plus HAUT. Chers bien-aimés, j’essaye de sourire dans l’espérance que tout va bien et que toute inquiétude a disparu. Cependant je ne serai parfaitement tranquille que lorsque je t’aurai vu et que je me serai assurée par moi-même que ton doux et noble visage n’exprime plus le chagrin et la fatigue. Cette nuit tu avais tes pauvres yeux pleins de tristesse et tu étais pâle et fatigué ; on le serait à moins, mais comme tu es d’une nature si admirablement constituée, tu serais bien vite revenu à l’état joyeux si ton fils était tout à fait hors de danger. Je te dis là des choses que M. de La Palice lui-même trouverait par trop naïves, pour ne pas dire plus, mais je n’ai jamais eu l’intention de faire du STYLE et de t’éblouir par mon esprit. Ma seule ambition est et sera toujours de t’aimer mieux et plus que personne au monde. Et en cela je suis sûre de réussir et je ne crains aucune comparaison. Mon chagrin est de t’être inutile et de ne pouvoir pas donner ma vie pour toi et pour tous ceux que tu aimes.

Juliette

MVH, α 7973
Transcription de Nicole Savy


1er septembre [1847], mercredi après-midi, 3 h. ½

J’espère te voir bientôt, mon cher petit bien-aimé, et avec de meilleures nouvelles encore que celles que Joséphine m’a apportées tantôt. Je t’attends avec toutes sortes d’amours dans le cœur et de bonnes espérances. Je pensais que Joséphine aurait été de bonne heure chez toi mais son ouvrage l’en a empêchée. Dorénavant elle ira à 8 h. du matin jusqu’à ce que notre cher petit Toto soit tout à fait [hors  ?] d’affaire.
Tantôt pendant que je me peignais M. le curé de Saint-Mandé est venu. Comme je ne savais pas que c’était lui, j’avais fait dire que je n’y étais pas, ce que j’ai regretté aprèsa qu’il a été parti. Voici pourquoi il venait : pour me dire que l’exhumation de ma pauvre fille [2] aurait lieu samedi prochain le matin et qu’il dirait la messe à son intention à l’heure que je lui indiquerai. J’irai demain matin jeudi pour m’entendre avec lui. Il part lundi pour trois semaines et il désire, à cause de la saison avancée, que cette pénible chose soit faite avant son départ. Il est probable qu’il s’en est entendu avec M. Pradier, ce que je saurai demain. En attendant je rassemble tout mon courage et toute ma résignation pour l’offrir au bon Dieu.
Mon Victor, mon appui, mon maître, ma consolation, ma joie, ma vie, mon âme, je t’aime. Je pense à toi toujours. C’est en toi que j’espère c’est pour toi que je vis. Sois béni, mon Victor, pour tout le bien que tu m’as fait et pour tout celui que je te veux. Je t’adore.

Juliette

MVH, α 7974
Transcription de Nicole Savy

a) « à près ».

Notes

[1Joséphine, la voisine de Juliette qui fait l’intermédiaire avec Victor Hugo place Royale.

[2Le corps de Claire Pradier avait été exhumé une première fois le 11 juillet 1847 et transporté d’Auteuil, où elle était morte, à Saint-Mandé, conformément à son testament découvert après l’enterrement. Il sera exhumé une seconde fois pour être placé dans un caveau.

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