5 octobre 1856

Guernesey, 5 octobre 1856, dimanche après-midi, 1 h.

Je n’ose plus te rappeler le plaisir que j’ai à te voir, mon trop aimé petit homme, puisque tu l’as oublié tout à fait ; mais je suis forcée de te faire souvenir que nous avons des comptes à régler ensemble et qu’il devient urgent de le faire le plus tôt possible ; sans parler de certains billets…doux dont les échéances sont passées déjà mais qui n’en urgent que plus de frais de correspondance, de galanterie et de poulets… brûlants. C’est pourquoi je te priais ce matin de venir de bonne heure cet après-midi pour arranger tout cela. En attendant, je trouve charmant de me casser bras et jambes un peu s’en faut. Tout à l’heure, j’ai fait^a une lourde chute dans le jardin de M^lle Boutillier sur les espèces de marches recouvertes de moisissures que la pluie rend très glissantes. Heureusement, j’en ai été quitte pour la peur et ma jupe salie. Du reste, voilà déjà bien des fois que je glisse à cet endroit du jardin, il fallait bien finir par y tomber tout de mon long aujourd’hui. Tout cela ne m’empêche pas de désirer vous voir tout plein et puis encore. D’ailleurs, vous n’avez pas vos ouvriers aujourd’hui ni le carabinier de Charles, qui n’est pas amusant, ni les poires Chaumontel, ni le reste… que je sache ; qu’avez-vous à répondre ? Donc, si vous ne venez pas, c’est que, bien décidément, cela ne vous plaît pas ! C’est bien ainsi que je l’entendrai. En attendant, je vous aime comme un diable et je vous adore comme un Dieu.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 244
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « fais ».