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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 juillet [1847], samedi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon doux homme triste, bonjour, mon noble cœur, bonjour, mon grand Toto, bonjour. Je vois finir ce procès [1] avec un grand soulagement de cœur parce que je sens combien il pèse douloureusement sur ta pensée. Ton âme généreuse souffre trop du triste spectacle auquel elle assiste depuis dix jours et je désire pour elle que ce soit fini aujourd’hui. Mon Victor, mon grand cœur, mon généreux homme, je ne veux pas que tu souffres, je ne veux pas que tu sois triste, je ne le veux pas, je ne le veux pas. Je retourne contre toi l’influence que tu exerces sur moi quand un chagrin ou un malheur vient me frapper. Malheureusement je ne suis pas, je ne puis pas être pour toi ce que tu es pour moi : TOUT. Ma joie, ma vie, mon âme et mon bonheur. Je le sais et je m’y résigne sans peine quand tu es heureux, mais dès qu’un nuage passe sur ton beau front, je regrette de n’être qu’une pauvre Juju dont l’amour n’est qu’un accessoire de ta grande vie si remplie de toutes sortes de choses, depuis les plus douces jusqu’aux plus terribles, depuis les nobles jusqu’aux plus sublimes. C’est pour cela que je voudrais que cette pénible affaire fût déjà loin de toi afin que tu n’aies plus à y songer. Je ne peux pas supporter l’idée d’une souffrance pour toi. Cela m’est odieux. Souris-moi, mon Toto, pense à moi et aime-moi. Je t’adore.

Juliette

MVH, α 7988
Transcription de Nicole Savy


17 juillet [1847], samedi après-midi, 2 h. ½

Je regrette, mon Victor aimé, que tu n’aies pas pu venir baigner tes yeux avant d’aller à la Chambre. Mes regrets ne sont pas aussi généreux qu’ils en ont l’air car il y en a une grande partie pour moi qui comptais te voir et t’embrasser et qui n’ai rien eu du tout. J’espère que tout cela sera fini aujourd’hui et que tu pourras avoir un peu plus de loisir. Cette température est atroce et je vous plains de toute mon âme d’être obligés de vous rassembler six et sept heures par jour dans une salle. Et pour faire quelle besogne….. ! Enfin Dieu merci vous serez bientôt délivrés de ce supplice. Quand tout sera bien fini, et que tu pourras donner quelque attention à ce que je te dirai, je te prierai, ô mais bien tendrement, de me donner une culotte de 12 heures plein. Tu m’en avais promis une pour le printemps et voici l’été bientôt passé et j’attends encore cette pauvre petite culotte d’amour. Si tu es juste, comme ton état t’y oblige, tu dois reconnaître que tu me la dois et qu’il me la faut très prochainement.
En attendant, je fais de mon mieux pour te donner des preuves de mon courage, de ma patience et de ma confiance. Si je n’y réussis pas ce n’est pas de ma faute. Cela tient probablement à ce que je t’aime trop.

Juliette

MVH, α 7939
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Le procès de Teste et Cubières, dont il est question dans les lettres précédentes.

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