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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 janvier [1839], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon Toto chéri. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin ? Je comptais pourtant sur vous pour bien des [bonnes  ?] choses. Vous êtes absurde de ne pas venir, ou plutôt, vous êtes mon adoré petit homme occupé et ne perdant pas une minute hors de vos occupations et de votre merveilleux travail. Cependant, il faudra que vous pensiez aujourd’hui à m’apporter le fameux éventail. J’y tiens comme [rache [1] debout  ?] et puis je compte sur lui pour faire la belle ce soir à Ruy Blas, car je vais à Ruy Blas, moi. Je ne sais pas si vous le savez et je vais m’en donner une bosse pour toutes les représentations dont vous m’avez FRUSTÉE [2], pour bien dire. Et puis, si vous n’êtes pas le plus méchant des hommes, vous complétereza ce plaisir par un bonheur en venant souper avec nous. Notre servarde est malade, mais comme tout est prêt, nous n’avons pas besoin qu’elle nous attende. Aussi, je me flatte que ma soirée sera complèteb et que nous mangerons ensemble le pain et le sel. En attendant, je vais habiller ma Claire pour l’envoyerc chez M. Pradier et chez mon pauvre vieux bonhomme de père [3]. Pendant ce temps-là, je m’habillerai toute prête pour ce soir. À propos, il me semble que nous sommes bien indifférents à l’endroit de nos appointements : vous ne m’avez pas dit une seule fois quand Mme Krafft pouvait aller toucher. C’est pourtant bien intéressant pour nous. Tâchez donc de savoir ça ce soir. Papa est bien i. [Dessind] Voime, voime, fort joli, fort joli mais pas Anténor [4]. Et bien baisez-moi, je vous aime et je veux mon nez ventail, c’est bien vrai. Que je t’aime, mon Toto chéri, toi seul en doutese quelquefoisf mais celles qui me connaissent n’en doutentg pas car je n’ai pas avec elles d’autre conversation que toi, d’autre pensée que toi, toi, toi, toujours toi, dans mes actions, dans mes paroles et dans ma vie. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 9-10
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « completterez ».
b) « complette ».
c) « l’envoyez ».
d) Dessin d’éventail :

© Bibliothèque Nationale de France

e) « doute ».
f) « quelques fois ».
g) « doute ».


3 janvier [1839], jeudi soir, 4 h. ½

Vous tardez bien à venir, mon adoré petit homme. Je tremble que quelque anicroche ne vous empêche encore d’aller à Ruy Blas ce soir, ce qui serait très fâcheux pour ma Claire et pour moi. Lanvin est venu la prendre. Ils sont allés tous les deux, elle et lui, chez M. Pradier et chez mon père. M. Pradier te fait beaucoup de compliments ainsi qu’à moi et se dispose à t’envoyer des invitations de bal. J’avais fait prendre un cabriolet à l’heure à la petite parce que le temps menaçait et que, pour allera chez M. Pradier et aux Invalides, elle aurait pu perdre toute sa toilette. J’avais dit à Lanvin de le dire à M. Pradier qui a donné 5 francs pour le payer. Il y a eu 3 francs 50 sous de dépense : ainsi il reste 1 franc 50 sous de bonib. Il lui a promisc ses étrennes. Je te dis tout cela parce que je sais que tu attaches de l’importance à toutes ces choses, car mon penchant serait de ne pas t’ennuyerd de tous ces minutieux détails de la vie. J’ai vu Jourdain aussi qui venait me redemander de lui donner le renseignement du chiffre en erreur. J’ai promise de le lui envoyer par la poste. Et puis je t’aime, mon Toto, je t’attends avec impatience et amour. Je voudrais bien que rien ne s’oppose à Ruy Blas et à notre petit souper ce soir, mais, hélas, je ne sais pourquoi, j’ai bien peur que tout ça ne s’évanouisse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 11-12.
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « allez ».
b) « bonni ».
c) « promi ».
d) « t’ennuier ».
e) « promi ».

Notes

[1rache : gale ou teigne. Le mot n’apparaît pas dans le Dictionnaire de l’Académie de 1811 mais apparaît dans le Littré.

[2L’adjectif « fruste » et le verbe « frustrer » n’apparaissent pas dans le Dictionnaire de l’Académie Française de 1835 mais sont tous deux présents dans le Littré (1872-1877), ce qui laisse la porte ouverte à un jeu de mot.

[3Juliette Drouet appelle son « père » son oncle adoptif, René-Henry Drouet.

[4Jeu de mots sur le nom d’ Anténor Joly, qu’elle n’aime guère.

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