Guernesey, 25 juillet 1857, samedi soir, 5 h.
Cher adoré, il me reste juste assez de souffle pour te donner mon âme et j’en profite avant qu’il ne soit tout à fait épuisé. Depuis ce matin je dépense mes forces et mon courage à remuer ma maison de fond en comble pour faire la place libre aux ouvriers lundi matin [1]. Je t’assure que je n’ai pas froid car ça n’est pas une petite besogne que de faire tenir dans un grenier, grand comme la main, les meubles de toute une maison et les allées et les venues, et les montées et les descentes font de cet exercice quelque chose de très fatiganta. Demain j’aurai encore une journée très laborieuse, toutes mes armoires à vider et à entasser l’une sur l’autre. Il est vrai que pour me reposer j’aurai à les remettre en ordre. Tu vois, mon pauvre adoré, que l’ouvrage ne me manque pas et le cœur non plus car je t’aime à travers tout cela plus que si je n’avais rien à faire et je te baise à âme tendue malgré ma [courbature ?].
BnF, Mss, NAF 16378, f. 135
Transcription de Chantal Brière
a) « fatiguant ».