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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juillet [1838], vendredi matin, 11 h.

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon cher petit homme très décoré [dessina]. Je n’ai pas bien réussi parce que je n’ai pas une bonne plume mais mon intention était de vous faire avec toutes vos décorations [1] non compris celle du théâtre Saint-Martin mais bien celle du soleil dont vous êtes le très grand commandeur. Comment vont tes yeux, mon pauvre petit homme ? Comment va ton cœur, mon cher petit amant ? J’ai déjà bien de l’impatience de te voir et nous ne faisons que commencer la journée, ça promet pour le reste surtout si tu ne viens qu’une minute auparavant ton diner. Je vais tâcher de faire beaucoup de bateaux à vapeur pour m’aider à supporter courageusement ma journée. Et puis je vais vous faire votre eau, mon petit Toto, avec d’autant plus d’entrain qu’elle vous fait du bien. Je t’aime Toto. Je n’aime pas qu’on vous écrive des lettres si passionnées, moi. Vous m’aviez bien promis de ne pas les lire quand il vous en viendrait mais vous ne m’avez pas tenu parole. Si j’en faisais autant, vous verriez comme cela fait mal et pourtant vous ne m’aimez pas en comparaison de moi. Je t’adore mon petit homme et je suis jalouse à l’avenant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 103-104
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) Portrait de Victor Hugo avec ses décorations :

© Bibliothèque Nationale de France

27 juillet [1838], vendredi soir, 6 h. ¾

Mon cher petit homme, je vous aime. Mon cher petit Toto, je t’adore. Je ne te vois pas assez, voilà le seul reproche que j’ai à te faire et que je te fais à tous les instants du jour et de la nuit. Tu serais bien charmant, mon petit homme, si tu venais cette nuit déjeuner avec moi. Il y a bientôt quinze jours que cela ne t’est arrivé, c’est bien long. C’est peut-être parce que vous êtes beaucoup décoré que vous ne tenez pas à honneur de coucher avec une méchante Juju de rien du tout. C’est très mal à vous de faire votre fiera. Si jamais j’épouse un prince chinois, je vous regarderai du haut de mon palanquin avec le plus profond mépris. En attendant, je croque le marmot [2] tout le long du jour et je rage dans ma peau le plus que je peuxb, occupation monotone, s’il en fut. Il fait bien beau aujourd’hui mon Toto. Vous seriez bien gentil de nous faire sortir ce soir pour nous rabibocher de l’averse d’hier. Je n’ai pas encore lu les journaux. Il était si tard quand j’ai eu fini de m’habiller que je t’ai écrit tout de suite. Cela me fera au reste de la pâture pour ce soir. Je pourrais même dire de la pâtée car c’est de la littérature pour les chats. Au reste, je ne m’en plains pas parce que ça me laisse penser à toi et te désirer à mon aise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 105-106
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « fière ».
b) « peu ».

Notes

[1Victor Hugo a été nommé chevalier de la Légion d’Honneur en avril 1825, et promu officier le 2 juillet 1837.

[2Croquer le marmot : attendre en s’impatientant.

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