Guernesey, 12 janvier 1857, lundi soir, 5 h. ½
Merci, mon cher petit homme, de m’avoir fait un peu de soleil pendant cette vilaine journée de pluie. Je n’en aia pas profité autant que je l’aurais voulu parce que ne sachant pas que tu pourrais me donner un peu de temps aujourd’huib j’avais entrepris ma fameuse perruque au lieu de saisir ton occasion aux cheveux. Malgré cela je ne me plains pas car le peu de temps que je t’ai vu a été bien rempli de joie, de gaietéc et de bonheur. Me voilà heureuse pour tout le reste de la journée surtout si tu peux revenir après ton dîner, ne fût-ced qu’une minute. Ce soir je compte copier le plus que je pourrai de la traduction du jeune Viquetor [1]. C’est pour cela que j’aurais désiré avoir ma lampe que cette absurde Turpin [2] ne m’apporte pas. Je crois que je ferai bien à l’avenir de montrer plus d’exigence envers ces braves rapiéceurs [3] qui sont toujours portés, de quelque pays qu’ils soient, à abuser de la confiance et de la bonté de ceux qui les emploient. Tout cela n’est pas très utile à dire, mon pauvre adoré, et tu te passerais bien de cet insipide rabâchage dont je t’assomme sous prétexte de restitus et de caresses. Baisez-moi alors et aimez-moi pour que je sois moins bête.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 10
Transcription de Chantal Brière
a) « n’ai ».
b) le mot qui suit « aujourd’hui » est raturé.
c) « gaité ».
d) « fusse ».