Paris, 22 novembre [18]73, samedi soir, 4 h. ¼
Toute ma journée se ressent de ma paresse de ce matin, mon cher bien-aimé, et ma restitus aussi. Heureusement que je t’aime à cœur ouvert à toutea heure, à midi comme à minuit et qu’il n’y a ni jour ni nuit pour mon amour : éveillée ou endormie je t’adore. J’espérais que le temps se sécherait un peu dans la journée et que je pourrais sortir avec toi ce soir ; mais le gâchis n’ayant fait que croître et enlaidir depuis ce matin jusqu’à présent, je crois qu’il est sage de m’abstenir et de garder ce que j’ai de pieds et de jambes pour aller et revenir chez Mme Charles ce soir. Je pense que tu seras de mon avis. Peut-être, si tu rentres assez tôt avant le dîner, te prierai-je de me mener jusque chez Julien pour lui commander quelque chose pour demain ; en attendant je m’épêche de t’aimer à l’aveuglette pêle-mêle car je n’y vois plus ; tant pis si je mets à tes pieds ce que je destine à ta bouche et dans ton cœur tout ce qui sort de mon âme.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 326
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette