Guernesey, 25 mars [18]73, mardi matin, 8 h.
Si j’en crois la chaste Suzanne [1], mon cher bien-aimé, tu ne te serais pas levé beaucoup plus tôt que moi, ce qui prouverait, hélas ! que ta nuit n’a pas été beaucoup meilleure que la mienne. Est-ce vrai ? De mémoire de nuit blanche celle-ci pour moi est une des plus blafardes et des plus cauchemardantes. Est-ce l’effet du printemps, est-ce l’effet de la promenade, est-ce goutte, est-ce Pologne, est-ce folie, chi lo sa [2] ? Le fait est que mes nuits depuis quelque temps constituent pour moi un bon petit supplice qui me laisse tout à désirer et bien autre chose que moi et veux pas dire. Que feras-tu de ton après-midi aujourd’hui mon pauvre grand tiraillé ? That is the question dont le courrier de tantôt dictera la réponse. Quant à moi je fais de tout mon cœur dès à présent le sacrifice de notre chère promenade pourvu que tu aies de bonnes nouvelles de tout ton cher monde grand et petit. Je ne fais de réserve que pour les comtesses plus ou moins Pimenti (lisez pimentées).
En attendant que tu décides de notre joie je t’aime toutes voiles, tout cœur et toutea âme dehors.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 81
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « tout ».