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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1873

Guernesey, 18 mars [18]73, mardi matin, 7 h. ¼

Je suis à mon poste, mon cher bien-aimé, j’espère que j’ai quelque chance de te pincer au rendez-vous de la serviette. En attendant j’ai déjà vu passer la Broisine tirant après elle son pépin désarticulé et traînant son pied boiteux sur la dalle. Elle aussi va à son rendez-vous du bénitier mais j’aime mieux le mien.
Je crains que tu n’aies pas beaucoup plus dormi que moi qui ai passé la nuit blanche. Aussi je t’approuve, mon grand petit homme, de tâcher de te récupérer ce matin par un pionçage à fond et prolongé. Le temps d’ailleurs est favorable à cet exercice car il fait un froid de loup. Heureusement tu as reconquis ta robe de chambre bien redoublée et bien chaude.
Je regrette que Mme Chenay ait si vite ralenti le beau zèle de la Broisine en lui insinuant qu’elle ne peut pas faire tout ce qui concerne son état de couturière. Ce qui l’excuse c’est qu’elle désire favoriser Émiliane qui a besoin elle aussi de travailler. Mais ton service intérieur d’aiguille n’en est pas moins désorganisé et c’est fâcheux. Je rabâche dans ton intérêt et pour l’acquit de ma conscience qui regimbe devant le coulage de ta maison… par force d’inertie.

7 h. ¾

Je t’ai vu, mon cher bien-aimé, je suis à la joie de mon cœur. Tu as bien fait de rentrer tout de suite après ton baiser donné et reçu et rendu, car il fait un temps qui vous fige la mœlle dans les os. Cela n’empêche pas une volée de goélands de barbotera à même l’océan devant mes fenêtres. Brrr !!! J’en ai la chair de poule rien qu’à les voir.
Pour me réchauffer je pense à Petit Georges, à Petite Jeanne et j’espère que tu recevras de bonnes nouvelles aujourd’hui. J’envoie mon âme au devant d’elles avec l’ordre de te les apporter pendant que mon cœur t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 74
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « barbotter ».

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