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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juin 1846

3 juin [1846], mercredi après-midi, 2 h. ½

Je repose mon esprit et mon âme dans ta douce pensée, mon adoré, et dans l’espoir de te voir bientôt. Cette nuit a été encore plus pénible que les autres. Le [dévoiement  ?] s’était même déclaré. J’ai envoyé chercher le médecin à sept heures. Il a prescrit une potion d’eau blanche ce qui, jusqu’à présent, paraît avoir arrêté ce commencement de diarrhéea. Elle est très calme depuis midi mais, hélas ! le seul symptôme heureux qui pourrait me redonner quelque espoir ne se manifeste toujours pas. J’attends sans oser l’espérer. J’ai l’âme comme dans une fournaise. Je brûle au dedans comme au dehors de moi. Tout mon être souffre des douleurs inouïes. Je ne sais pas comment je les supporte. Chaque minute paraît devoir être le terme de ma force et de mon courage et pourtant je vais toujours et il faut que j’aille jusqu’au bout de cette horrible maladie. Je relis tes adorables lettres. Je les baise, je pense à ta noble et douce figure. Je repasse toutes les admirables tendresses que tu m’as dites dans ce triste chemin et puis je sens que tout mon courage revient absolument, comme si on le versait dans mon cœur. Je me suis relevée 6 fois cette nuit, et pendant le peu de temps que j’ai dormi, j’entendais les plaintes de cette pauvre enfant et les rêvasseries auxquelles elle était en proie. Cependant je ne suis pas malade. Je suis navrée et endolorie mais je tiens bon. Je ne veux pas qu’il soit dit que mes soins aient manqué à cette pauvre créature. Je ne veux pas, je ne peux pas être malade tout le temps qu’elle aura besoin de moi. Je pense à toi, mon bien-aimé. Je t’aime de toute mon âme. J’ai ma pensée fixée sur toi, c’est elle qui me soutient et qui me guide dans cette douloureuse voie dans laquelle je marche depuis 2 mois. Si je ne t’avais pas et si je ne t’aimais pas comme je t’aime, il y a déjà longtemps que j’aurais succombé dans cette horrible épreuve. Tu es mon soutien, ma consolation et mon espoir dans le malheur comme tu es ma vie, ma joie et mon bonheur dans les temps calmes. La pensée que je te verrai tout à l’heure me fait trouver cette chère enfant moins mal. Hélas ! Pourvu que tu viennes tout à l’heure car il n’est que trop sûr que tu ne pourras pas venir demain ni après-demain. Qu’est-ce que je ferai mon Dieu d’ici là et dans quel état sera ma pauvre fille dans trois jours ? Je n’ose pas y penser car le cœur me manque à l’avance. J’aime mieux croire à quelque heureuse chance et espérer et [illis.]

BnF, Mss, NAF 16363, f. 119-120
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « diarhée ».

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