Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Mai > 7

7 mai 1847

7 mai [1847], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour mon cristal, bonjour mon pur Toto. Bonjour qu’on vous dit des yeux, des lèvres et de l’âme. Je suis très contente que Mme Guérard se soit ravisée, car, outre la médiocrité du divertissement qu’elle me proposait, je suis très fatiguée ce matin, de la mauvaise nuit que j’ai passée. J’en connais le pourquoi mais cela ne m’empêche pas d’être très blaireuse et fort peu entrain de partie fine. La seule chose qui pourrait me remettre ce serait une visite aux Villes de France [1] ou AILLEURS. Je ne me fie pas au bon marché de ces banqueroutiers. C’est une manière de faire deux fois faillite les mains pleines en faisant croire aux bourgeois à des baisses de prix fabuleuses. Cependant je ne demande pas mieux que de m’en assurer par moi-même et si tu viens tantôt comme je l’espère nous en conviendrons une bonne fois pour toutesa. Maintenant si vous n’êtes pas le plus envieux et le plus jaloux des hommes vous m’apporterez votre image en échange de mon dessin. Si vous tenez à l’inscription en latin (style lapidaire) le voici je vous le donne : SUR LA MAREM LE MATO EST UNA CRUX. Maintenant ne rougissez pas, ne soyez pas humilié ! Vous ferez mieux une autre fois. Embrassez-moi mais ne M’ÉTOUFFEZ PAS.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 65303 0046/0048
Transcription de Gérard Pouchain

a) « toute ». Juliette Drouet a dessiné un bateau, quelques maisons et des arbres. La légende est écrite au bas de la page : « Sur la mer le mât est une croix ». Dessin :

« coll. privée / Musée des lettres et manuscrits, Paris. »

7 mai [1847], vendredi midi

Je t’attends et je t’espère, mon Toto, ne va pas me faire le vilain tour d’aller à la Chambre avant de passer chez moi. D’abord je ne sais pas ce qu’il faudra que je fasse pour t’aller retrouver tantôt, et dans le doute et dans ma juste indignation je suis capable d’aller vider les magasins des villes de France, de Lyon, de Paris et autres provinces.
Cependant je ne suis pas encore prête. Je me suis levée très tard et je suis très engourdie. Décidément il faut que je me secoue par quelque action d’éclat. J’ai déjà fait un chef-d’œuvre ce matin mais cela m’est si habituel que je n’en suis pas autrement émue. Le seul sentiment que j’éprouve c’est de la compassion pour votre aplatissementa. D’abord parce que cela n’est pas de votre faute et que vous faites de votre mieux, qui n’est pas trop mal et qui serait même très bien si ma manière n’existait pas. Donc il me faut autre chose pour me ravigoterb et me piquer d’émulation. Sinon je suis capable de m’endormir sur mes succès et de rêver à Mme Guérard, à Céleste Féau et autre Triger de même qualité, ce qui serait malheureux pour les arts, pour les lettres et pour la France.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 100-101
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « applatissement ».
b) « ravigotter ».

Notes

[1Villes de France : Grand magasin de nouveautés, ouvert en novembre 1846, situé au 49 rue Vivienne, et s’étendant jusqu’au 104 de la rue de Richelieu.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne