Guernesey, 12 juin 1857, vendredi après-midi, 2 h. ¼
Voilà un temps à porter le diable en terre, mon cher petit homme, et qui vous empêchera de prendre votre troisième bain aujourd’hui, c’est à craindre. Il est vrai que vous laissez votre fenêtre toute grande ouverte pour ne pas perdre l’occasion de vous emplir de rhumatismesa. Quant à moi qui me tiens close et fermée comme une huître, je me sens envahie de la tête aux pieds par l’humidité, ce qui donnerait à penser que, de quelque façon qu’on s’y prenne, on ne perdb pas une goutte de tout ce qui peut vous embêter et vous faire souffrir. Aussi je saute à pieds joints par-dessus ma podagrerie [1] et je fais la nique à toutes les précautions traditionnelles en attendant. Ah ! vous voilà, quel bonheur. La suite au numéro prochain.
5 h. ¾
Je reprends mon cœur où je l’avais laissé, mon amour adoré, pour te le redonner augmenté des trois heures de bonheur que tu viens de me donner en restant à travailler tout ce temps-là à côté de moi. Quand tu es arrivé, j’allais te prier de monter le soir quand par hasard l’inspiration t’amène jusqu’à ma porte. Il est probable, si j’avais pu cette nuit mettre un baiser sur ton doux bonsoir, que je n’aurais pas eu d’insomnie et que mon sommeil aurait été rempli de rêves roses et charmants. Une autre fois, mon adoré bien-aimé, il ne faudra pas manquer de me donner cette joie. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 106
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
a) « rhumatisme ».
b) « pert ».