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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 18 août 1854, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, à la coupe à la brosse, en planche, en requin, à pied et à cheval… marin, bonjour.
Je t’ai à peine vu hier et nous nous sommes encore moins parlé grâce au Diãrio espanõl [1], à [Mme Menuchet, de Barival ?] et autre Samuel. Aujourd’hui ce seront d’autres empêchements non moins multiples et non moins impitoyables. Je m’y attends et je n’en suis pas plus joyeuse pour cela, c’est ridicule mais triste, on n’est pas parfait. Il faut absolument que je prenne sur moi d’aller en ville aujourd’hui acheter différentes choses dont j’ai le plus grand besoin et payer Guay. Mon goût serait d’y aller entre chien et loup pour ne pas faire de toilette mais c’est justement ton heure d’être avec moi et, plutôt que de la manquer, j’irais en plein soleil et en souillon dans la capitale jersiaise et sous le nez des Jersieuses respectables. Telle est la violence de ma passion pour vous, c’est beau mais cynique. Il fait un temps charmant aujourd’hui, ce serait le cas d’en profiter sans coup férir car la saison des brumes et des pluies est proche. Ce conseil que Salomon lui-même suivrait ne vous influencera probablement pas mais je vous le donne pour l’acquit de ma conscience comme la Junte au gouvernement espagnol. Du reste je suis toujours assez mal en point et je n’insiste pas davantage pour ce qui me concerne. Allez, venez, restez, pourvu que ce soit avec moi je m’importe peu de la direction de vos mouvements. Dites donc, mon petit Toto, il ne faut pas que mon seul et unique profil arrête votre beau mouvement de générosité. Aboulez vos boules, rien ne me sera plus agréable de face, de trois quarts, en pied en buste, debout et assis, tout me va et je n’en auraia jamais assez. Telle est mon insatiable ambition. En attendant je vous contemple dans mon cœur où vous êtes encore plus grand, plus jeune, plus beau et plus sublime que par le soleil.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 255-256
Transcription de Chantal Brière

a) « n’aurai ».

Notes

[1Les journaux espagnols venaient de publier le texte d’une délibération de la Junte de Madrid qui offrait l’asile à Victor Hugo.

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