Paris, 14 juin 1880, lundi matin, 8 h.
Dors, mon grand petit homme, afin de profiter du beau temps qu’il fera aujourd’hui, si j’en juge d’après celui qu’il fait en ce moment. Pendant que j’y pense, Paul Meurice m’a priée de te rappelera de mettre de côté pour aujourd’hui, ou pour demain, je ne suis pas sûre lequel des deux jours, deux billets de mille francs en me disant que tu savais pourquoi. Je te fais discrètement la commission comme on me l’a donnée. Maintenant je te fais souvenir encore que tu as Sénat tantôt à deux heures dans les bureaux, et à trois heures en séance publique. Je te fais souvenir aussi, hélas ! triste memento ! que lundi prochain, 21, j’irai à Saint-Mandé [1]. C’est un des tristes et doux pèlerinages auxquels je ne veux pas manquer autant que je le pourrai, tout le temps que j’ai encore à passer sur la terre. Toi-même, mon pauvre bien-aimé, tu as besoin de faire soigner ton cœur blessé comme le mien de blessures incurables dans cette vie. Pendant que tu feras ta visite chez Mme Rivet, moi je prierai dans le cimetière sur ma chère tombe. Ce sera le même acte de foi à l’âme accompli en même temps, par toi et par moi et je te sourirai dans ma douleur et je te bénirai dans mon amour.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16401, f. 161
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « rappeller ».