Paris, 28 avril 1880, mercredi matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, je t’ai entendu t’agiter beaucoup dans ton lit cette nuit, ce qui me fait craindre que tu n’aies pas encore bien dormi. Heureusement que tu n’as pas besoin aujourd’hui de te lever avant l’heure du déjeuner, et que tu peux mettre à profit toute cette matinée froide et pluvieuse et qui n’est bonne qu’à dormir. Je m’étais levée de très bonne heure avec la pensée de prendre un bain ; mais j’avais compté sans M. et Mme Lockroy qui, eux aussi, éprouvent le même besoin. Ce que voyant, je renonce à mon projet pour aujourd’hui. J’emploierai ce temps à dépouiller sommairement nos journaux pour voir si nos princes y donnent signe de vie et d’honneur. Ceux du soir, la France [1] et le National [2], ne contenaient rien encore ; je vais voir ceux du matin peut-être y trouverai-je trace d’une indignation quelconque de la part de ces illustres rejetons aussi contestés que contestables. En attendant la preuve « prouvée, prouvée, prouvée ….a prouvée » [3] de leur origine royale, je crois prudent d’être au moins très réservésb dans nos relations avec toutes ces altesses… arméniennes [4] !!!
Sur ce, mon grand petit homme, dormez un bon somme et aimez-moi en rêve, comme je vous aime les yeux ouverts.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 113
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « réservé ».