Paris, 23 mars 1880, mardi matin, 8 h. ½
Que je suis heureuse, mon grand bien-aimé, que tu aies passé une vraie bonne nuit, et comme je t’approuve de te lever de bonne heure aujourd’hui. Outre que je le crois nécessaire pour rétablir tes forces, la seule lacune dans ta santé générale, cela nous promet à nous le bonheur de déjeuner avec toi. Cette espérance me fait paraître le temps encore plus beau, et le froid moins piquant. Je n’ai pas encore reçu l’Officiel [1], ce qui fait que j’ignore s’il y aura Sénat, et à quelle heure. En ce moment je ne suis occupée qu’à tâcher d’avoir la monnaie de tes deux billets de mille et de cinq cents francs. Ce qui n’est pas commode dans ce quartier si peu commercial. Voici comme cette somme se divisera dans l’application……a
Argent reçu …. 1500 F.
Facture Dalsème pour les tapis … 952 F. 75 c.
Blanchissage … 37 F. 15 c.
Huile à brûler … 22 F. 50 c.
Bougie …. 18 . 30 c.
Argent pour la dépense de la maison … 200 F. 70 c.
1230 F. 70 c.
Excédant à rendre 269 F. 30 c.
Balance exacte 1 500, 00
De tout cet argent reçu et rendu, il me reste la journée comprise 60 F. et une fraction. Voilà mon cher petit homme le bilan de tes 1500 F. Celui de mon cœur est moins compliqué car il se réduit à ce seul chiffre : je t’aime, total : je t’adore ; le déficit, hélas ! est de ton côté.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 83
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.