Paris, 4 mars 1880, jeudi matin, 7 h. ½
Quelle nuit, mon pauvre bien-aimé ! J’attendais avec impatience que le jour parût pour toi et pour moi, pour te permettre de te rendormir pendant toute la matinée, et à moi de me lever et de vaquer à mes affaires tout doucement et à l’air libre. Bien m’en a pris puisque j’ai pu ouvrir au porteur de télégrammes avant que personne soit encore réveillé dans la maison. Ce télégramme matinal vient de ton ami polonais Baworowskyqui te félicite de ta santé et de ta gloire qu’il désire, et qu’il espère que tu verras pendant de nombreuses années. Tu liras aussi une lettre très enthousiaste et très émue de Marquand de Guernesey. Je te porterai tantôt une convocation du Sénat très pressante. On sent que l’article 7 [1] est près d’aboutir. J’espère que ce sera à votre satisfaction à tous, les vrais et les bons républicains. En attendant, je te fais souvenir que tu as un rendez-vous sérieux avec Paul Meurice à une heure précise [2]. Je te rappelle aussi qu’il faut que tu m’aimes, d’arrache-cœur [3], paresseux ! Quoi que tu fasses tu ne m’aimeras jamais autant que je t’aime, j’en suis bien sûre, bien fière, et bien heureuse.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 65
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin