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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mai [1847], dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon ami Toto, bonjour, mon cher petit floueur, bonjour, le plus charmant et le plus filou des hommes, bonjour. Je ne joue pas aux dames avec toi et je garde mon honneur et mes Chinois [1]. Si vous voulez, je vous ferai un dessin à la place.
[Dessina]
Décidément, je ne sais pas faire les tableaux de genre, je reconnais que celui-ci est médiocre. J’aime mieux les paysages et les grands horizons. Cependant, vous vous en contenterez car je ne le recommencerai certainement pas. D’ailleurs mon médiocre, tout médiocre qu’il est, ferait encore la réputation de plus d’un illustre croûton. Maintenant, quand vous voudrez votre encrier, vous m’apporterez votre bonhomme. Je suis fâchée à présent d’avoir fait mes dessins d’avance. Vous êtes homme à vous dédire maintenant que vous avez ce que vous DÉSIRIEZ, car l’encrier n’était que l’appoint. Il est clair comme le jour que ce que vous vouliez, c’était deux magnifiques illustrations de moi. À présent que vous les avez, je suis à la merci de votre bonne foi. C’est peu de chose et je tremble d’en être pour mes frais.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/32
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) Dessin représentant Juliette Drouet – tirant la langue – et Victor Hugo jouant aux dames :

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/32

30 mai [1847], dimanche après-midi, 1 h.

Je viens de débarbouiller mon Chinois et Dieu sait à présent ce qu’il y a gagné. Je ne le donnerais pas pour deux de vos dessins. Oh ! mais non ! d’abord, la peine que j’ai euea à le désengluer de ceta horrible enduit noirâtre vaut plus à elle seule que tout ce que vous pourriez m’offrir de plus ravissant et de plus précieux. Aussi je le garde. Tenez-vous-le pour dit et ne faites pas de platitudes inutiles.
Il serait bientôt temps que je fasse à ma personne le nettoyageb que je viens de faire à mon Chinois car je suis hideusement sale et mal attiffonnée [2]. C’est décidément ce soir que je ferai ton remède pour mon pied, tu peux y compter. D’abord, j’en souffre tant que le mérite de mon obéissance en est fort diminué. Aussi ce soir, en me couchant, je me mettrai deux petits cataplasmes à froid et je t’en dirai des bonnes nouvelles demain, à moins que ton remède ne me soit rebelle, ce qui ne serait pas impossible à la rigueur. Je ne t’en aurai pas moins de reconnaissance pour me l’avoir enseigné et surtout pour l’insistance toute charmante et toute bonne que tu as mise à me le faire faire. Toto est bien bon, Toto est bien I, Toto est bien aimé, Toto est bien adoré. Il ne tient qu’à lui d’être tout de suite le bien caressé et le bien baisé.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/33
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « cette ».
b) « nétoyage ».
c) « eu »

Notes

[1Voir la lettre de la veille au soir où Juliette proposait à Hugo une partie de dames contre des dessins.

[2Sans doute une association de « attifée » (mal habillée) et « chiffonnée » (froissée) pour ce néologisme.

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